On assiste depuis quelques temps à un certain renouveau dans la production « livresque » liée au Metal. Les illustrateurs, artistes de talent, accèdent enfin à une reconnaissance qui leur permet d’être identifiés au niveau de leurs œuvres.
Mark Riddick aux USA (depuis courtisé par le système, ayant réalisé des artworks pour Rihanna et Justin Bieber), Chris Moyen en France (bien que sa nationalité n’apparaisse pas évidente pour tout le monde), Tiennemans, Away, Ketola, etc. Ceci dit en France, on continue de publier des livres écrits par ce que je qualifierai d’imposteurs, mais bon, ça peut évoluer, il reste que la France n’aura pas été précurseur, une fois de plus…
Aujourd’hui c’est un autre Français qui a les honneurs d’afficher une partie de ses œuvres dans un ouvrage au papier glacé de qualité, il s’agit de David Thiérrée, que certains connaissent plus sous le nom de Dark Arts.
Connu sous le nom de Dark Arts, dont moi, pour qui ce sobriquet est lié à un paquet de pochettes de Black Metal, parues entre 1995 et allez, disons 2000. Un nom qui avait disparu des radars (bien que je n'ai pas identifié certaines pochettes !) et qui est revenu il y a deux ans, quand j’ai rencontré l’homme derrière le pseudo, à l’occasion d’un stand sur un festival.
C’est donc avec une certaine connaissance du bonhomme que j’appréhende ce livre. Un livre qui n’est pas le premier à présenter le travail de David Thiérrée, un précédent ouvrage ayant été édité quelques années auparavant (en France, mais pas issu du milieu Metal). De l’aveu de l’artiste, ce précédent livre est moins abouti, nous pourrons considérer ce présent Owls, Trolls et Dead Kings’ Skulls comme l’ouvrage de référence pour ce qui nous intéresse.
Le livre présente une large gamme des œuvres, ainsi qu’une biographie de David, composée à partir d’interviews entre le rédacteur et l’artiste qui éclaire sur les influences, les différents styles et époques des oeuvres. Pour qui n’a pas vécu le Black Metal depuis le début des années 90, il peut être compliqué de saisir l’essence du travail du bonhomme, et de son importance d’alors. Je dis « d’alors », car si David continue d’illustrer des pochettes d’albums de groupes comme dernièrement Satanic Warmaster, Sanctuaire, Celestia… c’est au milieu des années 90 qu’il a eu le plus d’influence dans la scène Black Metal, comme illustrateur (également comme rédacteur de fanzine). A cette époque, la production d’un album était alors différente de celle d’aujourd’hui. Je vous passe les détails techniques sur les films CMJN, les flash, le montage du lettrage, le master DMM pour la musique et autres joyeusetés d’alors, je parle bien de l’artwork de la pochette. Entre photocopies de livres piqués à la bibliothèque et photos floues prises dans la nuit, pour avoir une belle pochette, il fallait faire appel à un illustrateur (aujourd’hui, avec un peu d’information, on sait quel artiste mort depuis longtemps est libre de droit, on récupère un fichier en bonne déf sur internet, un coup de photoshop, illustrator pour les plus doués, Canvas pour les moins doués, et hop ! y a plus qu’à imprimer et vendre de beaux tirages. Plus besoin de ces parasites qui prennent du temps pour pondre une pochette qui sera quoiqu'il en soit décevante).
Dans le Black Metal, ils étaient peu. David était de ceux-là. Faut dire aussi qu’à l’époque, un illustrateur était plus couru qu’un (bon) batteur. D’où une certaine facilité de contact entre l’artiste et les groupes, tous jeunes, et très heureux de se rencontrer autour de cette même passion. C’est ainsi que David a travaillé pour Behemoth, Strid, Gorgoroth, Mortiis, Warloghe ou Osculum Infame. Ah oui, à l’instar d’un Mark Riddick, d’un Chris Moyen, David a aussi fait des logos de groupes. On retrouve aussi ses pochettes pour des compils, comme la fameuse Encyclopedia Pestilentia et les Morbid Tunes of the Black Angels.
Evoluant dans son art, David a touché d’autres sphères, plus liées aux jeux de rôles et autres délires de gamins d’extrême droite sataniques (je suis d’ailleurs étonné que les médias ne trouvent pas d’antécédents rôlistes chez les jihadistes, c’était pourtant LA population à risques il y a 20-25 ans). En découlent pas mal d’illustrations qui passent à la couleur, dans un rayon plus « féérique », plus « fantasy » comme on pourrait le dire. Un univers entre les cartes Magic et les Chroniques de la Lune noire, au risque de citer de mauvaises références, mais comme c’est moins ma partie, vous m’excuserez.
Au-delà de l’univers Fantasy, c’est autour de la mythologie païenne et nordique qu’on retrouve l’univers de David. Un environnement mêlé de magie, de légendes (le plus souvent nordiques), de paganisme et de poésie, parfois exprimés avec le regard d’un enfant. Tout ça sous un trait précis, travaillé au stylo, au fusain, à l’huile, à l’aquarelle…
Pour établir des comparaisons, encore douteuses possiblement, tentons d’imaginer l’œuvre de John Bauer mêlée du Dark Crystal de Jim Henson… Une comparaison pas définitive, mais qui cadre selon moi une grande partie de l’œuvre de David, depuis 1991.
Impossible de ne pas mentionner le goût de l’artiste pour les chouettes, puisque c’est dans le titre du bouquin, déjà, et qu’une partie de sa production est consacrée à l’oiseau nocturne au travers de portraits réalisés dans des originaux vendus sous cadre. Du plus bel effet, j’en possède moi-même une paire.
Du Black Metal satanique et nihiliste à des thématiques plus légères et « sympatoches », tout un gardant un fond que l’on pourrait qualifier de tragique d’une certaine manière, un grand écart qui pourrait paraître abyssal pour les plus obtus, mais qui correspond au personnage qu’est David Thiérrée.
Un univers que je vous invite à découvrir, au travers de ce livre.
Livre disponible à l'achat ici : http://www.forgottenwisdomprod.com/fr/livres/5932-owls-trolls-dead-kings-skulls-the-art-of-david-thierree-book.html