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"Art", pillage, imposture, vide sidéral...

Sans le savoir, avec cette photo, je viens de faire de l'art. En toute logique, un éditeur hype va me contacter pour faire un livre du même sujet, et je vais exposer dans des galeries guindées.
Si ça a marché pour d'autres, ça devrait marcher pour moi, non ?

("Jack est emballé")

Je glandais sur le site de Fier Panda. Oui, j’aime bien glander au lieu de bosser. J’aime bien aller voir ces sites faussement rebelles, à base de sous-cultures mélangées, mises en avant dans une même hiérarchie d’intérêt, avec des gros mots, des auteurs qui se mettent en avant, entre journal intime et reportage de guerre… et les belles histoires inventées de toute pièce par des professionnels du faux témoignage, payé à la ligne.

Fier Panda, Odieux Connard, Vice, Noisey… la même merde au final. Extensible au Petit Journal, les Inrocks, tout ce tas de merde pour bobos parisianistes, manucurés et obsédés par leurs fringues… Salch aussi, tiens. Le dessinateur qui fait une série de portraits typologiques, pour mieux les défoncer et les insulter, faussement anarchiste (tout le monde y passe, de la racaille de fond de bidet des cités au gauchiste en colère, en passant par le bourgeois de droite et le punk à chien… Une parodie au trait pompé sur Vuillemin (sans aller jusqu’au bout du génie de ce dernier), et des insultes basées sur des détails anatomiques et largement vestimentaires. Chaussettes dépareillées, on se moque. Le Petit Journal  se moque de la cravate Mickey du député de la Creuse. A son tour Fier Panda se moque de la chemise Kooples du présentateur du Petit Journal. Et de sa coupe de cheveux. Vêtements et coupes de cheveux, voilà ce que sont devenus la blogosphère, le journalisme 2.0. Pendant ce temps, les impôts augmentent de façon pas très honnête mais eh, on est là pour la déconne, pour ça, y a les vieux journalistes (avec leurs moumoutes et leurs vestes mal taillées – tsk).

Or donc je parcours ces torchons comme je regarde la télé réalité, médusé, dégouté, et toujours convaincu de ne pas faire partie de ce monde, ou de leurs mondes.

Cette fois, je tombe sur une interview d’un type au nom qui ressemble à un pseudo, mais si le mec vient de Paris, il est fort probable que ce ne soit pas un pseudo mais son réel patronyme.

Le mec en question est photographe, il donne dans la photo sans technique, mais avec du flash, du « réalisme » comme le dit le photographe, ou le blogueur. Bref, de la photo brute, au pif quoi. En plus le mec fait des autoportraits (un photographe peut-il avouer qu’il fait des selfies ? Pour une fois, il va garder un mot archaïque, rance comme la vielle France, et pas cool comme un mot anglais qui veut tout et rien dire), il a des tatouages tous pourris sur le corps, selon la mode qui s’inspire des taulards et des marins du début XXème siècle, tatouages glanés au cours de longues années d’expériences et d’échecs, représentés ici par une succession de gribouilles encrées en moins de dix ans.

Le mec raconte sa longue vie (il a presque trente ans) de photos, de ce qu’il connait et paf ! dans le lot des photos illustrant l’interview, je le reconnais, via un cliché d’une tente décorée de patchs à un festival évidemment Metal. Ce type, c’est l’artiste imposteur qui a fait éditer un bouquin de photos de vestes à patchs, portées ou étalées sur fond blanc. Imposteur, parc e que l’art ici, y en a point, et parce qu’il s’approprie l’art des autres, soit l’artisanat de coudre des patchs sur une surface donnée.

On avait connu les curés qui racolaient auprès des métalleux, des sociologues fonctionnaires qui voulaient devenir des experts de la question, voilà qu’on a les branleurs qui font de l’art avec les vestes à patchs en les prenant en photo. La boucle va-t-elle bientôt finir d’être bouclée ou va-t-on trouver toujours pire ? Je n’ose mentionner les stars de la chanson RnB-porno (les stars du porno de mon adolescence avaient au moins le bon goût de ne pas chanter) qui s’affichent avec des Tshirts Slayer, Maiden dans leurs défilés de mode/passage chez Starbucks…

Recentrons-nous sur les vestes à patchs, œuvres uniques de personnes passionnées (excluons les m’as-tu-vu qui en possèdent une juste pour faire style), témoignages rendus à ce qu’ils aiment, qui est le Heavy Metal (terme générique qui englobe tous les styles), et qui portent haut leurs couleurs, entre la fierté et le signe de reconnaissance avec l’autre. Un patch de Thin Lizzy ? On va entonner Jailbreak et finir beaucoup plus sérieusement autour d’une bière à savoir de John Sykes ou de Brian Robertson qui est le meilleur et celui qui porte le mieux l’âme du groupe.

Par contre dans ce bouquin édité dont la sortie coïncide avec une exposition dans une galerie parisienne branchouille, juste un étalage quasi sociologique de pièces de tissu, repère pour les créateurs de mode pour s’inspirer pour leurs défilés élitistes.

Le gaillard lui-même collectionne les patchs. Il écoute du Metal. Mais il collectionne les patchs dès qu’il en voit un, de toute manière dans les interviews diverses que j’ai pu lire de lui, il ne parle jamais de l’intérêt des groupes, de sa passion pour eux. Juste de l’accumulation.

Peut-être trop difficile d’énumérer des groupes qui lui plaisent vraiment ? Il est également fan de rap. L’interview présente nous en apprend également sur ses goûts, divers, mélangés, il est lui-même un mélange de tout ça. Il veut photographier « Kitano, Rocco, Tyson, Lindsey Lohan, Difool, Delon, Vikernes, Loana, Poutine »… Pur produit des années 90 le mec. Mais sans hiérarchie de goût, d’importance. Entendons-nous bien, je ne place pas Kitano au-dessus de Loana parce qu’il a été primé à Cannes ou à Berlin, je le place au-dessus parce qu’il fait des œuvres superbes, c’est un poète cinématographique, Delon est un très bon acteur avec une vie de folie, il n’est pas au-dessus parce que c’est un mec qui s’habille bien. Ma hiérarchie n’est pas échelonnée sur les standards des médias et autres « influenceurs » du bon goût, mais de mon libre arbitre. Là, le mec met tout au même niveau. La culture qu’il s’est forgée, c’est elle qui a imposé de tout mettre au même niveau. Canal +, rap et football. Sacré cocktail. Le pire c’est que le mec n’est pas juste un freak, un monstre de foire unique, non il représente bel et bien toute une génération. Toute une génération de pseudos artistes qui n’ont rien d’intéressant à dire, à montrer, qui surfent sur de la subversion et de la transgression vue mille fois avant, et dont l’effet est aujourd’hui complètement émoussé, toute une génération qui se ressemble, et on la retrouve bien sur Fier Panda, par exemple. Des DJs blancs geeks avec des lunettes de soleil en plastique des tatouages sur les poignets, mains, doigts, des pétasses qui montrent leur gros cul sur internet, différentes de leurs consoeurs du fait qu’elles ont les cheveux violets, qu’elles ne bénéficient pas du même chef opérateur pour la lumière de leurs photos et qu’elles se prétendent féministes, toutes aussi imbaisables que leurs reflets caoutchoutés par la chirurgie.

L’imposture des vestes à patchs, okay, j’ai vu ça il y a trois semaines, j’ai digéré. Ca me fait chier, mais j’ai digéré. C’est juste nul, y a pas d’art, mais c’est vendu au milieu arty qui n’avait pas la moindre conscience que ça pouvait exister. Le milieu trouve ça « cool » mais le jugera toujours avec mépris. Tant mieux. Qu’ils restent dans leur coin.

Mais je reviens sur l’interview, qui m’attriste encore plus. Le mec avoue que le premier livre qu’il a lu, « au CE1/CE2 » et dont il a dévoré les 42 tomes, ça n’est pas Châteaubriand. Non, c’est Dragon Ball. Merde, c’est pas un livre, c’est un manga ! Une bédé ! Il a pas lu d’autres livres avant/pendant/après ? Ca fait mal. Mal de ne pas lire autre chose, mal de prendre une bédé pour un livre. Et je reconnais l’œuvre de certaines bédés comme un art, j’ai moi-même aimé les premiers tomes de Dragon Ball (mon frangin n’a pas fini la collection, sinon je serais allé au bout) mais « livre » ? Bordel… Au CE1/CE2 j’ai lu des « livres », des chefs d’œuvre de la bibliothèque rose et de littérature pour enfants, mais je savais faire la différence entre un livre et une bande dessinée. Alors quoi, c’est cool d’employer ce terme de « livre » pour tout truc imprimé qui se feuillette ? Misère. Si ça se trouve, le mec a lu des vrais livres, mais comme c’est un media hype qui  l’interviewe, se sent-il obligé de paraître cool au mépris de sa propre histoire ? Dans les deux cas, je suis atterré.

Dans cette interview, le mec ne cite grosso modo que des noms et des marques qui ne sortent pas de la sous-culture ambiante, mêlant rap, foot, porno, jeux vidéos, mais tout ça, hype. Larry Clark, Bret Easton Ellis, la radasse des Femen, Canal+, Skyrock… La seule lueur d’espoir (autre que Vikernes), c’est que le mec a découvert Cizia Zykë. Il parle de son œuvre, ouf, pas que du bonhomme. M’est avis que le côté retro du macho à moustache et gros calibre, ça va pas tarder à devenir hype et les endives bobos vont s’approprier le truc (d’autant que Zykë n’est plus là pour leur coller les rangeots dans les gencives…).

Bref, tout ceci est désolant, et voir que le Metal devient un simple truc culturel pour plein de gens, au même niveau que le PSG et les Tortues Ninjas, pffff. Le Metal, encore plus sa facette extrême par ses sous-genres, était le rendez-vous de tous les éclopés, la cour des miracles des enfants de Villon. Maintenant, grâce à la globalisation, internet, il n’est plus qu’un patch sur la veste de la vulgarité du monde.

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