Où finit l'admiration ? Où commence la contrefaçon ? Car oui, Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, y a guère que le mot "américain" qui est de trop là dedans. Non seulement il est surnommé Sherlock Holmes, mais en sus il crèche rue Baker Street, et il donne des coups de main à Scotland Yard ! Bon, il se traine pas un docteur comme boulet, mais un élève, Tom Wills, qui est un poil plus dégourdi que son alter ego original... Alors oui, Jean Ray repompe sans vergogne l'univers de Sherlock Holmes avec son Harry Dickson sur une centaine de nouvelles, mais il le fait de la meilleure manière qui fusse : en pulp !!! Dans l'édition Librio de cette chronique, deux histoires, 60 pages chacune, une intrigue un peu tirée par les cheveux, un dénouement à la fin de la nouvelle... le serial parfait. Que pouvait-on attendre de Jean Ray, le Lovecraft belge comme quelqu'un l'a appelé, le 17 juin 1960 (je me souviens pas de qui ou d'où, mais j'ai la date), l'auteur de Malpertuis ? Ben du steampunk, et de l'occultisme. Steampunk au travers de la première nouvelle, Les étoiles de la Mort, on est au temps du Progrès galopant, où quasi tout est possible... la deuxième nouvelle, le Studio rouge, verse dans l'occultisme. Celui de la fin XIXème, quand les bourgeois, aristocrates et anciens soldats coloniaux découvrent la pensée orientale... Les allusions sont très orientées, mais on imagine bien Victoria et la mère Blavatsky venir faire un petit coucou dans cette nouvelle...
Des nouvelles qui se dévorent de plaisir, pour tout fan de Sherlock Holmes, de pulp, d'occulte... Des Harry Dickson, y en a plein (une centaine, disais-je, si vous ne suivez pas), compilées dans quelques Néo, et Marabout géant, on espère voir une anthologie complète, histoire de pas se ruiner...
A propos de Jean Ray, le personnage vaut son pesant de cacahuètes... Ecrivain insatiable, journaliste, auteur à plusieurs casquettes, mais également contrebandier d'alcool !!! Le gazier a eu une vie remplie... Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus, un site internet assez complet : http://www.noosfere.com/heberg/jeanray/
Post Scriptum, quelques temps après cette note... follement emballé par la lecture de ce Dickson, je n'ai pas assez bossé le propos, et si le texte présent est signé Jean Ray, il faut bien signaler que ce n'est pas le créateur du détective américain. La série a démarré sans lui, et même continué sans lui !
Commentaires
Rhââââââ-oui... excellentissime !!!
Doit juste me manquer 1 ou 2 tomes des 16 parus chez Marabout en fait !?!
( http://www.noosfere.com/heberg/jeanray/hdmarab.htm )
Mais bon... elles ne sont pas toutes ( totalement ) de Jean Ray, les aventures de ce bon vieux Harry !
Et ce, sans même parler de celles retouchées par Henri Vernes ( le papa de Bob Morane )...
Puisqu'au départ il n'était que le traducteur de la série !
Voici un p'tit condensé d'la chose, toujours par Noosfere, d'ailleurs...
( Histoire de continuer à les piller sans vergogne ! Ha ha )
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Au commencement : ...
Revenons sur les circonstances de la naissance du « Sherlock Holmes américain »… La série, à l'origine (1907-1908) en langue allemande, n'était au départ qu'une série de fascicules proposant des aventures apocryphes de Sherlock Holmes lui-même ( « Les dossiers secrets du roi des détectives » ), de facture assez pauvre. Les ayants droit d'Arthur Conan Doyle ayant interdit aux éditeurs l'utilisation du nom prestigieux, ces derniers durent rebaptiser en catastrophe leur héros, qui devint Harry Taxon, disciple de Sherlock Holmes.
A partir de 1927, Hip Janssens, éditeur gantois, décide de publier ces fascicules, et les fait traduire en néerlandais. A cette occasion, le détective trouve un nouveau nom, grâce auquel il passera à la postérité: Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain.
Jean Ray entre en scène :
Une version française est programmée à partir de 1929, et l'éditeur se met alors en quête de gratte-papiers anonymes pour réaliser la traduction en français de l'édition néerlandaise... il ne s'agit après tout que d'une édition bon marché d'une série populaire… de la littérature « de gare », comme on dit.
Parmi ces traducteurs de l'ombre, Janssens recrute Raymond De Kremer, qui voit là l'occasion d'arrondir ses fins de mois. Jean Ray s'attèle à sa fidèle machine à écrire et entreprend la traduction de quelques textes… mais il était écrit que Harry Dickson connaîtrait un autre destin sous la plume du Gantois génial : au bout d'une quarantaine de fascicules ( où il n'effectuait qu'un travail de traduction strict émaillé de quelques adaptations et corrections ), et devant la médiocrité des histoires, il se refuse à continuer de traduire les fascicules originaux.
Comme il s'est toutefois attaché aux personnages de Dickson et de son élève Tom Wills, il choisit tout bonnement d'écrire de nouvelles histoires, le tout dans le même laps de temps que lui prenait la traduction : un travail nocturne d'une poignée d'heures pour chaque fascicule ( ce qui force l'admiration lorsqu'on sait que chaque livraison représente quatre-vingts pages dactylographiées ).
L'éditeur ne s'en émeut pas outre mesure, mais le contraint néanmoins à fonder son récit sur les illustrations originales de couverture, signées Roloff, et populaires parmi les lecteurs.
C'est ainsi qu'entre 1931 et 1938, 106 fascicules imaginés par Jean Ray ( parmi les 178 que comporte la série française ! ) paraissent dans les kiosques, sans que jamais une seule fois le nom de leur véritable auteur apparaisse en quelqu'endroit que ce soit… aucun document n'attestera jamais de cette aventure, pas même un contrat.
La dernière aventure de Harry Dickson signée Jean Ray ( « Le polichinelle d'acier » ) aurait dû paraître en 1938, mais l'éditeur ayant décidé d'arrêter la collection, le tapuscrit restera inachevé.
« Harry Dickson ? Mais c'est moi, ça ! » ( Jean Ray à Henri Vernes, 1959 ) :
Ce n'est qu'au début des années 60 que Jean Ray, alors salué comme le plus grand auteur fantastique vivant, coche sur une liste à la demande d'Henri Vernes ( son ami, créateur de Bob Morane ) les fascicules dont il revendique la paternité... ses souvenirs étaient cependant peu précis sur certains points. Des études comparatives, en particulier celle d'André Verbrugghen, ont permis par la suite de réaliser une typologie précise entre créations pures, partielles ou totales, traductions, adaptations ou corrections. Les aventures de Harry Dickson sont depuis lors constamment rééditées et traduites… et frappées du label « Jean Ray » ( quelquefois un peu abusivement ).
( www.noosfere.com )
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Et euh... c'est un peu long comme "commentaire" ça... non !?? ( Ha ha )
Belle initiative que ce blog en tous cas, mein freund... belle initiative !
Puisse-t-il longtemps nous apporter notre lot de découvertes quotidiennes.
Salut Tonton Kurgan, et merci pour le complément d'infos ! J'ai vu qu'Harry Dickson avait même été adapaté en bandes dessinées. Et des fans ont même continué la série.
Merci pour les encouragements, y a pas mal d'idées de notes, mais il faut le temps pour se repencher dans les livres, revoir les films, et rédiger quelques lignes... et tout ce qu'il y a encore à voir lire entendre...
Pour la bédé je confirme j'avais le premier épisode, une histoire bien glauque dans la campagne portuaire anglaise avec un clash entre un lord et des pêcheurs horribles genre populace fin de race, ça m'avait foutu les jetons, je l'ai tjr dans ma bibliothèque faudrait que je la relise !