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Voici le temps des assassins

Paris, 1955, Jean Gabin (ou André Chatelin pour ce film) est un maître queue réputé, qui possède son restaurant aux Halles, servant d'un côté les maraîchers, les bouchers, le bon peuple, quoi, dans son bistrot où que ça fleure bon le petit salé aux lentilles, le verre de blanc de 11h, l'oeuf dur au comptoir et la joie rigolarde des forces ouvrières, cheville de la France (copyright PCF), et dans l'autre salle, le bourgeois, le rupin qui étale les énormes billets craquants à la vue de tout le monde, qui se fait appeler "président" pour un oui ou pour un non, et qui n'hésite pas à promener sa greluche, jeune idiote au bras d'un homme vieillissant mais friqué (copyright PCF aussi, les Français, dans la rue, le bourgeois, t'es foutu !). Mais bref, c'est la France de 55, Gabin il est au milieu, il assaisonne, mitonne, et tout le monde l'aime pour ça. Les clients, les serveuses, les cuistots, dont Gérard, un gamin qu'il a pris sous son aile (ou la cuisse ! ah ah !) et qu'il considère quasiment comme son fils. C'est qu'il est bon, c't'homme là, il a le coeur sur la main, et il dispense la nourriture comme sa bonté : avec des petits oignons. Alors quand un jour, débarque à la porte Catherine, la fille de son ex-femme (ouhhhh celle là, elle lui en a fait baver ! il est bien mieux tout seul, avec sa maman qui vient lui rendre visite de temps à autre et madame Jules, sa bonne strabique), son univers va être bouleversé.
Ben l'ex-rombière, elle a claqué, tiens donc. "Tiens donc", c'est exactement ce que Gabin dit quand on lui annonce la nouvelle. Elle lui manquera pas, tiens. Par contre, la fille, elle est un peu dans la merde. Comme je l'ai dit plus haut, Jean Gabin, il a le coeur sur la main, il est comme ça. Alors il va la prendre sous son autre aile (vu que sous la droite, y a Gérard), et finalement, elle est un peu de la famille hein !
Pis dites donc, elle est mignonne la petiote. Elle a 20 ans, et puis elle est pas bossue. Y a même un couple de gouines au resto qui la remarque. J'y reviendrai. Pis la Catherine, ben elle est pas tant intéressée par le Gégé, malgré sa situâââtion, cuistot et étudiant en médecine, s'il vous plaît. Elle préfère les hommes plus âgés. Pauvre Jean Gabin qui a du mal à comprendre ce genre de confidence, alors qu'ils sont sur un bateau, lui il est à l'ouvrage, il pique un ver sur son hameçon pour ramener de la friture. Il pense qu'à bouffer.
Par contre, faut avouer, la bonne et même la mère de Jean Gabin, ils la sentent pas trop cette fille. Ca cloche un peu. La mère de Jean Gabin est un peu sèche. Faut dire, elle tue les poulets en les décapitant avec un fouet. Elle rigole pas, celle là.
Elle a raison d'ailleurs. Notre Catherine, elle est pas si innocente que ça. Elle commence à faire des avances à Gérard. Elle raconte des conneries.
Ben ouais, Catherine c'est une salope de première en fait. Sa mère elle est pas morte ! Tout ça c'est un coup monté pour marier le pigeon et lui extorquer ses anciens francs ! La mère de Catherine est une toxico, une droguée ! Elle vit dans une chambre d'hôtel minable, et ça date pas d'hier. Avant elle était à Marseille et elle se prostituait, avec sa fille. On nage en plein Trois filles de leur mère, le côté érotique en moins ! Pierre Louÿs peut aller se rhabiller, ici c'est la version Misérables.
Et pendant ce temps, Jean Gabin continue de n'y voir que du feu. Il se fâche même avec son Gérard à lui ! Putains de gonzesses ! Ces sorcières, faut s'en méfier ! Elles ont un vagin purulent muni de dents pour émasculer les hommes ! Créatures démoniaques !
Au prix de la vie de Gérard, Jean Gabin finira pas se rendre compte de la trahison de celle qu'il aimait (et voir Jean Gabin se mettre au lit avec elle, pyjama boutonné jusqu'au col, y a pas loin à imaginer qu'il lui a fracturé le bassin à coups de boutoir, ce saint homme) et une justice quasiment immanente mettra un terme à tout ça. Pas vraiment de bonheur possible avec les femmes, pour Jean Gabin. Il retournera à ses fourneaux, et la vie reprendra.
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Voici le temps des assassins n'est donc pas une comédie, et pas un film pour toute la famille. Jean Gabin est loin de ces rôles drôlatiques de clochard, gentleman, baron, ou ex-légionnaire. Il incarne ici parfaitement le Français, dans sa vision la plus angélique : travailleur, droit, bon, et généreux. Mais rattrapé par la méchanceté, dans ce film, incarnée dans plusieurs rôles par des femmes. Les femmes sont manipulatrices, menteuses, traîtresses... Elles dirigent sa vie. Et Catherine et sa mère ont peu d'états d'âmes. Mais dans ce film, comme dans d'autres films de cette période, il faut décoder beaucoup pour saisir le fond des choses. Epoque de censure, de non-dits, mais pour autant, quand on a l'oeil, on comprend. Comme le couple de gouines (qui renvoie à l'inverti dans un Maigret, que les flics emballent parce qu'il "trainait trop près d'un édicule"), qui font une remarque sur l'allure alerte de la jeune Catherine. Le vieux pervers qui ramène plusieurs fois des jeunes pimbèches, attirées par son pognon et qu'il collectionne... le  Marseillais, au nom corse, qui sous-entend qu'il est un micheton, ou un souteneur, en parlant de la mère et la fille, induisant qu'elles se prostituaient. Quant à la drogue, on ne montre rien, pas de seringue dépassant d'un bras inanimé, mais une femme rendue folle et mauvaise par l'addiction.
Aujourd'hui, les temps ont bien changé, et les codes cinématographiques ne laissent plus place à la réflexion, et du coup à la vision personnalisée d'un film. Aujourd'hui, quand on voit une pute, elle est en bas résille et tortille du cul, quand on voit un drogué, il se crame une pipe de crack, un souteneur, il a un costume violet avec une plume au chapeau. Il faut que les gens comprennent bien, et tout de suite. Dans les années 50, c'était différent. On nous prenait moins pour des cons.
On profite également au travers du film d'un document quasi historique de la France d'avant, au travers des quelques décors, figurants, plans extérieurs... 60 ans à peine plus tard, on dirait que ça fait plusieurs siècles...
Très bon film donc, à voir et revoir, reste que je pense que le réalisateur (ou le scénariste) avait un problème avec les femmes.

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