Un Jean Gabin sous la direction de Grangier, adapté d'un roman de Simenon par Audiard, quand on tombe dessus, y a de quoi se réjouir, non ?
Film
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Le Sang à la Tête
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Nothing but the Night
C'est toujours sympa de tomber sur un film dans lequel on retrouve à la fois Christopher Lee et Peter Cushing.
Cette fois, ils ne sont pas ennemis déclarés, quand l'un est Dracula et l'autre Van Helsing, ou ennemis par la science comme dans la Chair du Diable, ou antagonistes, comme dans le Train des Epouvantes.Dans Nothing but the Night, ils sont du même côté. Et du bon côté dirais-je, le côté lumineux de la force (vu qu'ils sont de l'autre côté dans Star Wars, même si pas réunis dans les films !).
Bref, Christopher Lee joue le rôle du détective de police, et Peter Cushing, le scientifique. Des rôles qui leur vont à merveille, la grande asperge dans son costume qui gratte à interroger des gens et battre la lande, et Cushing qui regarde un objet avec attention et sérieux, appliqué à son affaire même quand il découpe un steak énorme dans une scène qui est sensée être une autopsie...Les deux géants de la Hammer sont réunis dans une production... Charlemagne. Exit donc les moyens de la prestigieuse boite, nous voici dans un film à faible budget. Si l'on a droit à une explosion de bateau et un tour en hélico, la réalisation reste peu aventureuse.
Pour l'anecdote tout de même, Charlemagne Productions est une boite créée par... Christopher Lee himself ! Une maison de prod qui restera assez discrète puisque seuls deux films seront produits. Amusant tout de même de rapprocher le nom de la boite de prod de son concept de Heavy Metal lyrique qu'il fera trente ans plus tard...Au milieu des années 70, une suite de décès ressemblant à des suicides éveille l'attention quand un bus rempli d'orphelins subit un accident, laissant le chauffeur brûlé vif alors qu'aucun feu ne s'est déclaré...
Un témoin de l'affaire, une jeune orpheline, sous hypnose, révèle des choses pour le moins bizarres qui vont conduire nos deux enquêteurs sur un terrain mouvementé... la mère de la fille, une prostituée avec une mega coupe de cheveux qui veut retrouver son enfant, une journaliste qui aime remuer la merde, un docteur qui fera les frais d'avoir un peu trop compris ce qui se passe...
Et direction l'orphelinat en Ecosse où de vieux donateurs d'une fondation gérant l'établissement disparaissent mystérieusement, mais où les enfants en savent beaucoup plus qu'ils n'en disent...
Si ce film n'est pas un chef d'œuvre d'originalité (avec tout de même un pot aux roses très pulp à la Abraham Merritt, voire RE Howard), il nous rappelle d'autres films de la même période. On pensera très vite à the Wicker Man et son sacrifice immolateur, au milieu d'une confrérie de complotistes sur leur île isolée, et également The Omen, alias Damien la Malédiction, avec ces enfants maléfiques, même si ce dernier sortira un an après Nothing but the Night (passons sur le Village des Damnés, trop ancien pour la référence).
Un film tout de même assez long à se mettre en place, et pas très excitant, il faut bien l'avouer (j'ai piqué du nez plusieurs fois, oups !) et un final plutôt précipité alors qu'il aurait pu être développé davantage. Sans compter quelques passages assez balourds, un jeu d'acteurs pas toujours génial chez les seconds rôles, du mannequin figé qui chute d'un balcon, d'une falaise, des trucs un peu invraisemblables (6 gamins qui enroulent une corde autour du cou et des bras d'un gaillard de quasiment deux mètres, qui l'étranglent sans rencontrer beaucoup de résistance)...
Mais un film sauvé par la sympathie qu'on éprouve envers les deux acteurs cultes que sont Lee et Cushing, et le scénario très pulp, et également par cette espèce de malaise provoqué par ces enfants sataniques, et les révélations de cette jeune orpheline qui pour le coup, joue très bien.
Nothing but the Night n'est pas le film qu'on retiendra du cinéma fantastique anglais à la Hammer, mais une petite production sympa où on a plaisir à retrouver des légendes de ce même cinéma.
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Le Cauchemar de Dracula
En ces funestes jours, à porter le deuil de Christopher Lee, un des meilleurs moyens de lui rendre hommage est de brûler un homme d'osier de 5 mètres de haut.
Ne possédant pas la matière première à cet effet, je choisis plutôt de revoir un film avec cette grande asperge d'acteur. Ce sera le Cauchemar de Dracula, alias Horrors of Dracula, le premier film dans lequel Christopher Lee incarna le Comte, en 1958.
Dans toute la série des Dracula Hammer (je ne parle pas de Regula, ni de Dracula père et fils), le comte transylvanien parle peu. Dans certains, il se contente même du strict minimum. Quelques apparitions silencieuses, des crocs en plastique et un froncement de sourcils.
Ici, Dracula parle. Un peu. Mais pas longtemps. Juste histoire de ne pas se dévoiler trop. Mais lorsque le pot aux roses est découvert, Dracula est un chupador, il ne dit plus rien. Il balance ses longs membres, sa cape virevoltant derrière lui.Ce Dracula reste un film typique de la Hammer. Terence Fisher à la réalisation, Christopher Lee et Peter Cushing à la distribution, il y a même Michael Gough qu'on retrouve quelques années plus tard dans le faux Hammer la Maison ensorcelée, et plus tard encore comme Alfred, le domestique du super détective Julien Lepers.
On retrouve également la touche Hammer des années 50. Quelques décolletés, mais on n'est pas encore dans la débauche. Les décors de studio et la géographie comportent leur lot de clichés. Des habitants du village vêtus de gilets en peau de mouton, un château de Dracula proche de la frontière allemande, et une famille Harker vivant en Allemagne, pas très loin de la frontière également, oulà. Et puis un détail qui m'avait marqué la première fois que j'avais vu le film, et qui me fait toujours marrer à chaque vision, lors du combat Dracula/Van Helsing, la pile de livres renversée d'une table, les livres restent collés les uns aux autres... L'accessoire en papier mâché.
Hormis le ton complètement suranné du film, on apprécie la certaine sobriété de l'ensemble, les gestuelles toujours impériales de Cushing, les femmes élégantes, et l'allure de Christopher Lee dans son rôle de Dracula.
Ce n'est pas le Hammer le plus réussi, ni le plus terrifiant, ni le plus gore, le Masque du Démon chroniqué ici-même est beaucoup plus réussi dans son esthétique et sa narration (bien que n'étant pas une production Hammer, ni même un film anglais !), mais il reste un classique, et on ne peut qu'espérer que, comme Dracula, Christopher Lee revienne dans un prochain épisode. -
Le Masque du démon
Barbara Steele joue le rôle d'une sorcière que les autorités religieuses brûlent... Comme dans la Sorcière sanglante. Mais si on peut comparer les deux films sur la thématique globale, l'utilisation du noir et blanc... le Masque du Démon s'avère largement supérieur au premier film.
En fait, le Masque du Démon est antérieur de quatre ans à la Sorcière sanglante. En 1960, les producteurs italiens veulent clairement concurrencer les films de la Hammer. Ici, tous les éléments sont au rendez-vous : une sorcière et son amant brûlés vifs (après que la sorcière se soit vue infliger le port du masque aux clous intérieurs, un masque posé à coups de masse !!!), qui lancent une malédiction pour les descendants de cette lignée moldave... Fin XIXème siècle, deux médecins font le trajet vers Moscou pour un congrès et se trouvent sur le chemin, à Mirgorod. Ils vont découvrir dans une forêt terrifiante le tombeau de la sorcière, et sans le vouloir, réveiller la malédiction. Morts qui se lèvent des tombes, vampirisme, passages secrets, calèche infernale, tous les éléments sont là pour faire un film qui, s'il ne transpire pas par son originalité, reste un film pas très loin du chef d'œuvre. Vraiment pas très loin. On peut même dire que c'est un chef d'œuvre.
En effet, le film est particulièrement réussi. Très vintage, d'une certaine manière, car tourné en studio, on reconnait aisément le côté "fake" des décors, les fonds peints, mais quelle ambiance !!! L'apparition de la princesse avec ses deux chiens, dans le cimetière abandonné et en ruines, l'amant qui sort de sa tombe... Voilà de superbes tableaux.
La production italienne a installé Mario Bava à la réalisation. S'il compose de superbes tableaux cinématographiques, il est également un as dans l'utilisation de la lumière. Les effets sont superbes. Le noir et blanc leur rend grâce. Il utilise la lumière et les jeux d'ombre pour créer les effets spéciaux. Ainsi, on verra l'héroïne ridée par la vieillesse retrouver sa jeunesse, par un habile effet de lumière et d'exposition. Un effet qui aujourd'hui est habituel et invariablement le fruit d'une retouche en CGI est ici une astuce de trucage comme le cinéma en connai(ssai)t.
Et bien que le film vienne concurrencer les productions Hammer, on sent la différence entre la maison anglaise et ce produit italien. Les effets spéciaux sont à la limite du gore. Insectes grouillants dans un crâne aux orbites vides, squelette qui tient encore quelques lambeaux de chair, faces lépreuses de vampires déments, on est plus proche de Lucio Fulci que de Terence Young. Gageons que pour l'époque, si le film avait été en couleur, les effets gore auraient défrayé la chronique... Il semble tout de même que quelques coupes aient été faites dans les diverses exploitations de ce film.
On retrouve également Barbara Steele, la papesse du genre, dans le rôle de la sorcière vampire et de sa descendante. Ce rôle la propulsera dans les productions de films d'horreur et l'inscrira comme star inconditionnelle des films du genre.
Un film qui reste un véritable chef d'œuvre de gothique macabre !!!!
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The Salvation
Le cinéma scandinave change de période, oublie les Vikings et s'attaque aux cow-boys... Plutôt exotique ! Un western danois... L'histoire de deux frères danois. Dans un western américain, deux frères danois, ce seraient deux personnages de second ordre, comme deux crétins alcooliques du côté des bad guys, ou deux vieux chercheurs d'or à moitié fous... au mieux un maréchal ferrand qui ne parle pas beaucoup. Mais là les Danois sont aux commandes du film, et leurs héros sont danois. Normal.
En 1871, 7 ans après avoir quitté le Danemark, deux frères, anciens soldats, accueillent la femme et le fils de Jon à la gare d'une petite ville de l'Ouest en plein développement. Dans la diligence qui les emmène vers le trou déserté qui sert à Jon et à son frère de résidence, des mecs louches embarquent et un drame effroyable survient. Jon est éjecté par les bandits et retrouve dans les traces de la diligence son fils mort, et sa femme, violée et achevée. L'ancien soldat se venge promptement et part enterrer ses morts.
Maldonne, l'un des deux salopards est le frère du caïd local et il allait le rejoindre à sa sortie de prison. Un caïd, ancien soldat lui aussi, rendu dément par le massacre des Indiens qu'il a perpétré, et il n'hésite pas à répandre le sang en représailles. Jon se fait capturer, vendu par les habitants de la ville. Son frère le sauvera, mais n'en réchappera pas. Jon fera le ménage, dans un monde sauvage et dégueulasse, sous fond d'expropriations et de corruption, pour laisser place à des champs de pétrole.
The Salvation me fait penser à cet autre film scandinave : Dagmar l'âme des Vikings. Un film court (1h28 générique compris), peu de fioritures, et une action brutale qui entraine une vengeance. Un Rape & Revenge scandinave, en gros. Mais il me fait également, et surtout penser à un western de Clint Eastwood des années 70. genre l'Homme des hautes Plaines ou Josey Wales. Un Ouest américain sauvage, dépouillé, où la civilisation a du mal à s'imposer, et la brutalité incontrôlable de riches bandits, servis par les autorités locales.
Somme toute, un scénario pas très original. Mais un film fort bien exécuté. Avec une sécheresse et une froideur dans le traitement. Les gens meurent, sans fioritures. On les venge. On passe à autre chose. Il n'y a pas d'éclats d'émotions.
Hormis cette efficacité filmique, qu'est-ce qui fait de The Salvation un bon film ? Ses acteurs. Jon est joué par le Danois le plus international du moment : Mads Mikkelsen, à qui on oppose un Jeffrey Dean Morgan (vu dans Watchmen et Red Dawn) très proche d'un Powers Boothe des années 70. Et dans les seconds rôles, et c'est là qu'on voit que c'est un film danois car ils sont largement plus ouverts que les Américains : Eric Cantona !!!!! Yeah !!!! En méchant, corse et teigneux ! Et puis, la meilleure actrice actuelle : Eva Green ! Encore une fois dans un rôle ultra torturé, une pute balafrée et muette, la langue coupée par des Indiens qui l'ont enlevée quand elle était enfant.
Un casting réduit, mais sympa, et relevé également par Jonathan Pryce, nom qui ne vous dit peut-être rien, mais une tête bien connue de rôle de salope des films ricains de ces vingt dernières années. Et un autre Danois, Mikael Persbrandt, qu'on retrouve sous les traits de Beorn dans la Désolation de Smaug.
Pas de surprise donc avec ce casting, chaque acteur est fidèle aux rôles qu'il s'est forgés auparavant.Je reviens quand même sur Eva Green, ah !!! Magnifique enfant. Cette actrice est vraiment l'actrice du moment, qu'on retrouve toujours dans des rôles dont on se souvient. A croire qu'elle ne choisit que ce genre de films, et pour ça, chapeau mademoiselle, elle est un peu la Christophe Lambert ou la Nicolas Cage féminine. Euh, comparaison un peu maladroite, mais je me souviens d'une interview de Cage à qui on demandait pourquoi il jouait dans des nanars, séries B fantastiques. Il répondit qu'il aimait ça. Comme Christophe Lambert qui n'a pas besoin de faire des films pour bouffer. S'il joue dans un film, c'est parce qu'il a envie. Et quels films... Ghost Rider 2, LA rencontre entre Lambert et Cage !!! Le film est à chier, mais ce crossover d'acteurs !!! Et ben Eva Green c'est pareil. Sauf que le niveau est peut-être plus sélect, mais merde, la suite de 300, Sin City 2, Dark Shadows (où l'on croirait qu'elle est doublée par sa mère en version française, tant la voix est proche de Marlène Jobert !), Camelot et Penny Dreadful, série incroyable où elle pique largement la vedette à Timothy Dalton et les autres acteurs, un festival Eva Green où elle y va à fond, et encore une fois, nous fait profiter de ses formes superbes.
Les Danois ont été fort avisés de lui donner un rôle !
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Leur dernière nuit
Ouais, c'est la période de Noël, du Réveillon, c'est les vacances, on glande en peignoir jusqu'à tard dans la matinée, on se couche à pas d'heure, et pour éviter les merdes qu'ils passent à la télé les après-midi (non mais un seul Pierre Richard ! Et les Don Camillo habituels sur France 3, spécialement pour les fêtes, jours fériés, jours pairs, jours impairs, bref, on les connaît par cœur, et maldito, faut se fader les mauvais dessins animés par ordinateur, et rien qui donne envie de se goinfrer des oranges et des chocolats des étrennes...), le moment est propice pour se faire un bon Jean Gabin. J'hésitais à revoir avec plaisir un Gentleman d'Epson, un Archimède, ou bien un Jardinier d'Argenteuil, voire une affaire St Fiacre un peu plus sérieuse de la filmo de M'sieur Moncorgé, et puis j'ai trouvé une manne. Une série de films que je ne connaissais pas du tout. Alors j'ai commencé avec Leur dernière Nuit.
Daté de 1953 et réalisé par Georges Lacombe, il faut bien l'avouer, Leur dernière Nuit est un film mineur dans la carrière de Jean Gabin. Jean Gabin campe le rôle d'un bibliothécaire poli, qui crèche dans une pension de famille très correcte, mais la nuit, il est Monsieur Fernand et prépare des coups pour braquer du titre au porteur et plier des gros pascals dans ses poches de veste. Pas de bol, il se fait pincer lors d'un gros coup, et Madeleine Robinson, petite professeur d'anglais, tombée amoureuse du bonhomme, va l'aider à organiser sa fuite.
Gabin a toujours un peu le même rôle, l'homme honnête bien mis, puis le truand qui en a revendre de la chienne de vie. En cavale, insupporté par les cornes de brume, il lâche tout, pourquoi il est passé de petit médecin de province, fils d'ouvriers peu friqués, obligé suite à un avortement de complaisance qui a mal tourné, à changer de vie, et préférer la mauvaise vie... Moins convaincant que dans le Jour se lève, mais on apprécie. Un final typique du ciné français des années 50, le truand ne gagne pas à la fin, et disparait dans les eaux grises de la Seine... Une fin qui rappelle celle du Rouge est mis.
Sympa, Madeleine va faire un point à la chaussette trouée de Gabin, mais elle prendra soin
de nettoyer à l'eau la dite chaussette avant d'intervenir.Et les décors, entre chambre de pension, chambre d'hôtel, commissariat, marché de Paris, rues encadrées de flics, on est en terrain connu pour le Gabin voyou. Des scènes qui pourraient être interchangeables avec autant de films. Et pourtant, Gabin est là, il porte le film, la Madeleine Robinson est pas mal non plus, Robert Dalban avant que ses cheveux ne virent au gris joue le rôle du commissaire qui use de méthodes efficaces et peu sensibles envers la pauvre Mado, il nous rappelle ce qu'il jouera huit ans plus tard dans le Cave se rebiffe.
- Bah qu'est-ce qu'il y a mon lapin, je te plais pas ?
- Si tu me plais. Mais arrête de m'appeler "mon lapin"J'ai l'air de faire la fine bouche avec ce film, mais non en fait, j'ai beaucoup aimé. Beaucoup aimé revoir Gabin dans un film que je n'avais pas encore découvert, et simplement, voir un film avec Jean Gabin. Il fait du Gabin. Il se tient bien droit, il fait du charme aux femmes, envoie chier les souillons et les bonnes (sa première réplique est d'ailleurs poilante, à recadrer la serveuse sur son parfum trop prononcé), il bouffe comme d'habitude, n'oublie pas de complimenter Madeleine Robinson sur son pâté de lapin et s'en jette un dès qu'il peut. En un mot comme en cent : Jean Gabin.