C'est bien rare que je lise un livre entier en une journée. Je ne suis hélas pas un gros lecteur, souvent, je décroche, et comme la journée je n'ai pas toujours l'occasion de lire, je lis surtout le soir, avant de m'endormir. Par pur réflexe pavlovien, si je lis en journée, je pique du nez !
Mais pour cette fois, j'ai lu le bouquin en entier.
Oh, évidemment il ne fait pas sept cent pages. Il en fait deux cent, et c'est écrit gros. J'aurais pu perdre un peu de temps à colorier les images, mais il n'y en avait pas...
J'ai donc avalé cette histoire des Seigneurs de la Combe perdue. Ce n'est pas le premier Christian Delval que je lis, j'ai déjà lu ses Sacrés Tontons et ses Histoires montagnardes. Ici, on est tout de même assez proche de Sacrés Tontons.
Pour vous situer, Christian Delval est un auteur haut Jurassien. Haut Jurassien, c'est pas simplement jurassien. Le haut Jura, c'est la montagne, celle qui pardonne pas. C'est pas un gars de la plaine, quoi. On est en pleine littérature de terroir. Plutôt éloigné de l'autre Jurassien célèbre, Bernard Clavel. On est beaucoup plus proche d'Henri Vincenot, qui chantait sa Bourgogne. Ici, Delval chante le haut Jura (quand il n'y fait pas des infidélités pour chanter la Haute Savoie), mais si Vincenot invite les gens à (re)découvrir la terre, Delval est plutôt du genre à sortir le fusil et faire bouffer la terre aux malotrus.
Dans Sacrés Tontons, des petits vieux du haut Jura retapaient la santé du petit-fils amateur de drogues, et éloignaient les dealers qui venaient chercher leur pognon. Une sorte de La Horse écrit par le René Fallet de la Soupe aux choux, avec une fin un tantinet onirique, et plutôt royaliste à la Jean Raspail...
Ici, le Barthélémy et le Ferdinand sont bien tranquilles dans leur hameau du Rosset, sur la commune de Longchaumois. Deux habitants pour trois baraques, tout va bien, le jeune René bien faire les foins de la parcelle de Barthélémy, ils fument leur pipe tranquillement, et chassent la vipère pour se faire une provision de gnôle pour l'hiver, avec le serpent qui fait joli dans la bouteille en plus d'agrémenter de son venin les vertus thérapeutiques du breuvage. Il fait bon, l'herbe ploie sous la brise, les mulots grattent la terre pour faire leur terrier, c'est la belle vie, jusqu'à...
Jusqu'à ce que la maison vide soit rachetée et que l'équilibre cosmo-jurassien soit rompu ! Un avocat hollandais rachète la ruine pour en faire une maison de vacances, en grillageant tout le terrain, et en plaçant un maçon marseillais pour diriger les travaux. Adieu la tranquillité ! C'est sans compter sur le bon sens paysan, la malice du gang des seigneurs qui vont remettre un peu d'ordre dans ce chaos.
On se marre bien avec ce livre truculent. Bon, faut avouer que les Marseillais, les Hollandais et les touristes s'en prennent un peu plein la gueule, et on sent le montagnard qui n'aime pas trop tout ce qui vit en deça de cinq cent mètres d'altitude. Par contre, les bonnes souches paysannes, qui aiment la terre et la travailler, qui aiment la nature, et bien l'auteur, il les aime bien. En fait, il aime pas les cons. Là, ils ont un peu les traits des populations sus-citées...
Faut-il être jurassien pour apprécier Delval à sa juste mesure ? Pas forcément... faut connaître un peu le Jura, mais en fait, faut surtout connaître la montagne. Ca risque de ne pas parler du tout à un Normand habitué au béton, à l'eau et au ciel, tous de couleur grise de son bled, encore moinsse à un Marseillais...
Personnellement, je suis bourguignon d'origine et jurassien depuis quinze ans, et j'apprécie Vincenot autant que Delval (ou Clavel dans ses romans terroir). Mais pour autant, j'apprécie la Sologne de Seignolle, et, euh... la Bretagne de Markale ? Alors bon. Qui aime la terre et la nature s'y retrouve !
Essayez-vous à Christian Delval, vous ne serez pas déçus !