Je vous avais déjà parlé de Nasty Samy dans ma note sur la bio de Kevin K. Ce maniaque qui a horreur de se poser cinq minutes pour glander, cumule activités de musicien au sein de plusieurs groupes, les siens propres, ou en tant que session pour divers groupes en tournée, tournées qu'il effectue bien volontiers, et à côté de ça il anime un site, www.likesunday.com, dont les écrits se sont retrouvés imprimés dans plusieurs numéros de son zine éponyme, il fait un podcast, une véritable émission de radio faite avec les moyens du bord (qui de nos jours, sont largement équivalents à des moyens pros) où il passe des disques, interviewe des gens, commente seul ou avec un comparse l'actualité ou la culture Metal/punk/bédés/films d'horreur, a sorti la bio de Kevin K, et écrit dans Rise Tattoo Magazine, ainsi que dans le magazine RAD Motorcycles.
J'ai bien peur que, durant le temps que j'ai passé à énoncer ses activités, il ne s'en soit trouvé une nouvelle. C'est vous dire l'espèce d'énergumène à qui on a affaire.
Et ben le gars il a aussi eu une idée, et il en a fait un bouquin. Ca s'appelle Explosions textiles. Vous vous souvenez de votre premier Tshirt avec un logo de groupe, un placard avec un démon malfaisant évoquant des guitares tronçonneuses ? Nasty Samy a posé la question à quarante-quatre personnes. Bon, évidemment, ces quarante-quatre personnes (il y a quarante-cinq auteurs, Nasty Samy s'est bien évidemment fendu de son souvenir adolescent !) sont issues de la scène Punk Rock ou Metal, certains sont des gars bien connus, la plupart... restent des anonymes pour qui est étranger à tout ça.
Parmi les gens connus, il y a le mec qui a fondé le magazine Rage, et bossé à Rock & Folk, Tracks sur Arte, un journaliste ayant bossé à Hard n'Heavy, Rock Sound, des biographes d'Ozzy, Supuration, et surtout, il y a moi ! Et oui les copains, j'avoue sans déplaisir avoir participé de ma modeste contribution à l'aventure de ce bouquin.
Mon premier tshirt, c'était Alice Cooper. J'avais treize ans, j'étais en voyage scolaire en Angleterre, et ayant pu échapper aux visites imposées par l'école, je m'étais aventuré dans les échoppes louches de Londres, en ressortant avec un Tshirt horrifique, et surtout une grosse dalle, on avait vraiment mal bouffé pendant cette semaine. Le petit déjeuner avec une tasse d'eau chaude (sans thé !!!) et deux pauvres tartines de beurre salé, ouch. Quelques années plus tard, c'était en Espagne, avec l'IUT, les paniers repas étaient infects, les repas le soir sans eau (eau minérale payante, eau du robinet... on le payait aussi, mais de sa vie)... mais bon, cette fois là, on tirait les nutriments de l'alcool qu'on ne lésinait pas à boire. Bref, mon premier Tshirt, c'est toute une histoire, que justement je raconte dans le livre.
Les plus sceptiques d'entre vous douteront de l'intérêt d'un tel projet, puisque ça reste underground niveau auteurs, et puis le premier Tshirt, certains s'en moquent comme de leur première chemise (il fallait bien que la place, celle là !).
Je répondrai simplement : oui. Tout est dans le titre. C'est un peu réducteur comme idée, mais... il est bien édité chez les concurrents, à des prix largement plus vertigineux, des biographies non autorisées, basées sur des articles de journaux, des "anthologies", compilations de chroniques de disques de Black Metal avec des pochettes pixelisées, piquées sur internet. Alors pourquoi pas un livre sur la magie provoquée par son premier Tshirt ? D'autant plus que c'est bon esprit, détendu du gland. Chacun y va de sa madeleine de Proust, évoquant souvenirs émus, joie de découvrir... C'est très sympathique à lire.
Maintenant, je vais formuler une critique un peu plus poussée du livre.
Une chose ressort, je l'ai dit plus haut, c'est l'enthousiasme des auteurs à parler de ce moment de leur vie, qui est un passage. Très souvent, il a lieu à l'adolescence (oserai-je dire puberté ?). On sort de l'enfance et on choisit un vêtement qui rompt avec l'innocence et l'inconscience de la mode (quoique cette analyse, aujourd'hui...). Encore en plus quand il s'agit d'arborer les couleurs d'un groupe de musique rebelle, violente et subversive comme le sont les groupes Punk et Metal (quoique aujourd'hui... bis).
Dans le livre, on peut distinguer trois générations d'auteurs, et de porteurs de Tshirts. Les premiers, nés entre 1969 et 1972, les deuxièmes, nés entre 1977 et 1983, et les troisièmes (assez peu représentés ici), nés après 1985.
On va reconnaître ces trois générations par le type de tshirt porté, quels groupes, et surtout par la manière dont ils l'ont obtenu. Les "anciens" ont surtout commandé leur tshirt par une VPC, Harry Cover en Angleterre (le jeu de mot était-il intentionnel ?), ou par un voyage à la capitale, le maillot de corps sérigraphié étant assez peu diffusé en magasin (mercerie, même).
La deuxième catégorie, largement représentée, regroupant Nasty Samy, moi-même et pas mal de ces acolytes qui ont répondu à la question, se retrouve avec un Tshirt Metal très souvent comme premier maillot. Acheté sur le marché. Faut dire que la plupart des auteurs sont des provinciaux. Le morphotype sociologique parisien serait assez différent à mon avis. Puces de Clignancourt !
La troisième catégorie suit assez la deuxième, les groupes évoluent, ce sera plutôt Korn que Kreator, mais on trouve le Tshirt par les mêmes biais.
On pourrait s'étonner que peu de gens achètent leur premier Tshirt à un concert. Celui-ci doit être le deuxième Tshirt. Ou l'achat du premier dans un cercle non exclusivement Metal/Punk (VPC, concert, distro, etc) est une sorte de rituel de passage. En même temps, au sortir de l'enfance, acheter son premier tshirt directement dans une distro de mecs un peu louches (mais au grand cœur si on creuse un peu), ça semble un peu irréel s'il n'y a pas un pote, un grand frère qui fait office de passeur.
Malgré ces questions de génération, autant l'avouer, d'autant plus que j'ai participé à la chose, sans avoir lu d'autres interventions, il faut reconnaître une chose : on est tous pareil. C'est bien ce qu'on retire de la lecture du livre. La même passion, déclinée sous divers styles, une certaine évolution des goûts et intérêts vingt ans après, mais on sent l'œil qui brille, et les boutons d'acné qui poussent, cette même sève qui revient, sur une période qu'ici personne ne renie.
J'en viens au seul écueil du livre. Les auteurs, on se reconnaît en eux, malgré les différences de génération. Seulement... ce sont tous des hommes. Le point de vue féminin aurait été intéressant à connaître, dans ces milieux underground et virils, les filles sont rares, encore plus rares quand elles restent dans le milieu, et n'ont pas forcément la même approche de tout ça. Je me souviens, au collège, y avait une nana de ma classe qui avait un tshirt Megadeth "Countdown to Extinction". Elle connaissait pas Megadeth, elle trouvait juste le Tshirt cool. Je l'avais méprisée pour ça. Un peu con, hein, j'aurais plus eu mes chances avec elle qu'avec d'autres bêcheuses qui m'ont cruellement éconduit. C'est tout moi, ça.
Et dans le bouquin, y a quand même une fille. Et là, amère déception. En guise de mémoires, elle nous pond une sorte de nouvelle qui en soi, n'a aucun intérêt. La tranche de vie de trois potes en voiture, en direction d'un concert, maniaques sur leurs Cds, et collectionneurs de Tshirts. Histoire plutôt banale à mon goût, puisque collectionneur de disques et de Tshirts, comme beaucoup j'imagine (pas de la génération mp3, sorry guys). Du coup son point de vue féminin... y en a pas. J'ai même peur que la nana n'ait fait aucun cas de son premier Tshirt Metal, Punk ou Rock si elle en a jamais eu un.
Tout ceci a plutôt tendance à me conforter dans le fait que le Metal (plus encore que le Punk ou le Rock) est quelque chose de foncièrement masculin, en tout cas qu'il fait appel à des récepteurs virils, que ça se passe dans les intestins et dans les couilles, et que malgré la minorité de filles partageant ce même goût, ce n'est pas quelque chose qui parle à la gente féminine.
Un peu comme la guerre, quoi, ah ah ah.
Allez, n'hésitez pas à choper le bouquin (à prix très décent ! Y a même un poster pour votre chambre d'ado) chez le Mortuacien qu'est Samy : http://www.nastymerch.com/