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On peut clairement s'interroger sur l'impact des littératures orientées vers la jeunesse, spécialement les illustrés démocratisés sous le terme de "bandes dessinées".
A mon avis, un format curieux qui rompt toute narration par des ellipses incompréhensibles, et une caricature grotesque des traits humains, le plus souvent.
Mais passons, ici je prendrai le cas d'une bande dessinée, ou "bédé" comme disent les jeunes, figurant un duo de détectives, nommés Tif et Tondu. Premier piège, première inversion, Tif est le personnage chauve, alors que Tondu est le personnage barbu et chevelu. Allez expliquer ça à un enfant ! Tif est sans poil, Tondu est hirsute ! Autant dire que Rintintin est un chat, et le chat botté un chien ! Ou soyons encore plus pervers, le chat botté... un cheval !
Ce n'est malheureusement pas le seul élément traître et déconstructeur pour nos jeunes enfants.
Je reproduis plus bas quelques cases, annotées pour, s'il en est besoin, commenter les aberrations :
"Tif" démarre son enquête par l'achat d'une pipe, que l'on imagine pour fumer du tabac (ou autre, on ne sait pas)
Un comportement routier intolérable, où "Tondu" roule au mépris de toutes les règles à une vitesse élevée en ville, manquant de créer des accidents, et de renverser d'honnêtes quidams
Les images suivantes ne sont qu'un infime exemple de l'alcoolisme dont sont épris les personnages, dits "héros" de l'histoire :
Si "Tif" démarre son enquête en achetant de quoi consommer du tabac, "Tondu" la commence en buvant une boisson anisée alcoolisée !
"Ca va mieux" après trois bouteilles de champagne et des cigares ? Non, ça ne va pas du tout !
"Tondu" invite son voisin, "à l'aube" (information rapportée d'une case précédente) à boire de l'alcool, de la fine, qui tape à au moins 45° ! Cette invitation à l'alcoolisme sous des abords inoffensifs est stupéfiante !
Et ça continue ! Dire à des enfants que le cognac vaut le lait ? Mais qu'est-ce qu'ils imaginent ? Que les enfants vont tremper leur pain dans du chocolat au cognac, le matin ?
Moquerie, irrespect complet d'ivrognes qui se réclament d'une œuvre sociale !
Alcoolisme, tabagisme, conduite dangereuse, voici ce qu'on peut trouver dans un ouvrage destiné à la jeunesse. Il n'y manque que la débauche ! Heureusement, pas de femmes dans cette "aventure", on peut espérer que les héros forment un couple homosexuel, bien qu'aucune revendication à l'enfant ne soit indiquée. Mais tout de même, ce genre de valeurs propagées dans cette bande dessinée ! On nous épargne les détails, mais il faut bien imaginer qu'après avoir bu comme des outres, ces personnages-là pissent debout, et non assis, de manière non égalitaire avec les femmes ! On ne les voit à aucun moment manger des fruits et légumes, et pire encore, on ne voit aucun représentant de notre belle diversité ! Un racisme exacerbé par la présence d'une frontière entre la France et la Belgique, une promotion arriérée des valeurs qui nous rappellent les heures sombres de notre histoire avec son ventre fécond et ses bruits de bottes.
Une chose qui peut nous rassurer, cet épisode appelé "la villa sans-souci" date de 1951, et hormis une réédition récente chez ce qu'on peut supposer être une maison d'édition d'extrême-droaate, on ne trouve plus ce genre de revue dans le commerce, ou alors faut bien chercher, dans les puces, et autres vide-greniers aux relents pétainistes. Mais voyez à quoi nos générations antérieures ont été confrontées, quelles idées ont pu leur être inculquées ! Des hordes fascisantes, qui s'opposent au Progrès, à l'évolution de la société, éduquées dans un monde fait de dégustation d'alcools et de tabacs, dans une France rance, paysanno-arriérée. Gageons que nos enfants n'apprendront pas la même chose, et l'Ecole s'en chargera. Peut-on se risquer à l'opprobre en évoquant une euthanasie des anciennes générations quand on voit quelles ont été leurs lectures de jeunesse ?
Exemple d'alcool fort dit "Fine", issue d'une région arriérée et où que la 4G elle passe pas.
Plusieurs nouvelles rassemblées dans un même livre, récits ayant comme point commun d'avoir des animaux comme personnages principaux. Un renard, une belette, un écureuil, un lièvre... Tout ceci fleure bon le sous-bois, le chaume, la rosée printanière, l'humus regorgeant de vers juteux, les rayons du soleil qui réchauffent la terre, et la vie animale, simple et faite de plaisirs, à aller croquer un oisillon, une noisette, ou toute autre proie qui se présente...
Mais en vérité, c'est un peu déprimant, car la vie est cruelle envers ces animaux dont on prend le parti. Cruauté des autres animaux, et pire, cruauté de l'homme, celle qui provoque la fin de ces animaux qui ne comprennent pas ce funeste destin.
Goupil, capturé par un paysan qui lui pose un collier avec un grelot, le pauvre renard essaiera d'échapper à ce bruit synonyme de danger, de chien à ses trousses pour le fouailler de ses crocs, de la présence de l'homme qu'il préfère éviter. Et quand Goupil aura compris le stratagème, dur handicap pour la chasse, quand ses proies réagissent à ce même grelot, sa courte vie se résumera à de modestes proies, et à des charognes. Fuseline, la petite fouine dont la patte sera prise au piège dans la grange, créature trop insouciante après s'être gavée de poules... Obligée de se défaire de sa patte pour se sauver, en la désarticulant, puis la déchirant.
Attention, voici un bouquin indispensable !!! A lire absolument !!
Sylvain Tesson est un aventurier moderne, qui part aux quatre coins du globe, souvent assez vite, en vélo, en courant, à fond les ballons, de peur de ne pas avoir traversé une route quelque part au Pérou, avant de mourir. A la suite d'une aventure précédente, où il avait partagé le gîte de Sibériens sur le lac Baïkal, l'auteur a décidé de venir se poser quelques temps, de vivre l'aventure d'un ermite, le temps d'une saison. Défi à mettre à côté de celui d'escalader l'Himalaya, a priori. Survivre au froid, aux ours, et aux glaces.
Et pourtant, c'est un autre défi que vient de se lancer l'écrivain aventurier. Ce n'est pas la performance, mais c'est le défi de se poser, de réfléchir, et de se retrouver. Se rencontrer même, avant de se retrouver. C'est pas en cavalant dans le Gobi qu'on sait qui on est. On sait qu'on a couru et perdu 14,5 litres de sueur dans la journée. La cabane au bord du lac Baïkal, c'est pas pareil.
Rester six mois au même endroit. Voir la saison passer, la nature changer, et occuper son temps. Un défi qui semble impensable pour beaucoup, notamment les bourgeois poudrés parisiens, qui ont eu l'air de voir dans cette aventure un défi contre l'ennui, contre l'absence matérielle et matérialiste, et l'inconfort. Ces journalistes voient certainement la Sibérie comme très lointaine, loin de leur confort, mais avouons-le, l'auteur n'aurait presque pas eu à quitter le territoire français pour vivre aventure similaire. J'exagère à peine. Mais l'éloignement est un moteur permettant cet exil, cet ermitage pour l'auteur, qui avoue aussi apprécier son confort parisien.
Mais cet ermitage a permis de faire cogiter l'aventurier. C'est le plus intéressant du bouquin. La solitude qui fait gamberger, la nature rude mais généreuse qui fait relativiser l'existence matérialiste de l'Occidental du XXIème siècle. En vivant au contact de la nature, et de ses habitants, du règne animal ou humains, Sylvain Tesson redevient un homme, et plus un athlète à la recherche de la performance. Quand il va croiser des semblables, avec plus ou moins de classe, riches Russes en 4x4 qui traversent le lac gelé dans un safari ponctué de vodka et de techno music, ou world travellers écolos, il n'est déjà plus comme eux. Ils passent, lui vit ici. Il puise de la terre sa substance pour s'en nourrir, pour se chauffer.
Et il pense. Il pense à ce qu'il est à Paris, et ce qu'il est ici. Et où l'Homme se situe.
Extraits : "Le bonheur d’avoir dans son assiette le poisson qu’on a pêché, dans sa tasse l’eau qu’on a tirée et dans son poêle le bois qu’on a fendu : l’ermite puise à la source. La chair, l’eau et le bois sont encore frémissants. Je me souviens de mes journées dans la ville. Le soir, je descendais faire les courses. Je déambulais entre les étals du supermarché. D’un geste morne, je saisissais le produit et le jetais dans le caddie : nous sommes devenus les chasseurs-cueilleurs d’un monde dénaturé. En ville, le libéral, le gauchiste, le révolutionnaire et le grand bourgeois paient leur pain, leur essence et leurs taxes. L’ermite, lui, ne demande ni ne donne rien à l’État. Il s’enfouit dans les bois, en tire subsistance. Son retrait constitue un manque à gagner pour le gouvernement. Devenir un manque à gagner devrait constituer l’objectif des révolutionnaires. Un repas de poisson grillé et de myrtilles cueillies dans la forêt est plus anti-étatique qu’une manifestation hérissée de drapeaux noirs. Les dynamiteurs de la citadelle ont besoin de la citadelle. Ils sont contre l’État au sens où ils s’y appuient. Walt Whitman : « je n’ai rien à voir avec ce système, pas même assez pour m’y opposer. » En ce jour d’octobre où je découvris les Feuilles d’herbe du vieux Walt, il y a cinq ans, je ne savais pas que cette lecture me mènerait en cabane. Il est dangereux d’ouvrir un livre."
"Il faudrait lui expliquer que ces mouvements sont des manifestations de colère sociale et que l'origine ethnique de leurs acteurs, si elle impressionne les Russes, n'est pas évoquée par les commentateurs français. Il faudrait lui dire qu'il ne s'agit pas de révolution. Ces troubles à l'ordre public ne visent pas à renverser le monde bourgeois mais à y accéder. Entend-on les jeunes réclamer liberté, puissance et gloire ? Pourquoi brûle-t-on les voitures dans ces couronnes de misère ? Pour critiquer les ravages de la technique et du marché sur les sociétés ou par dépit de ne pas posséder les plus belles et les plus grosses d'entre elles ?"
"Je pousse la porte de la cabane. En Russie, le formica triomphe. Soixante-dix ans de matérialisme historique ont anéanti tout sens esthétique chez le Russe. D'où vient le mauvais goût ? Pourquoi y a-t-il du lino plutôt que rien ? Comment le kitch s'est-il emparé du monde ? La ruée des peuples vers le laid fut le principal phénomène de la mondialisation. Pour s'en convaincre, il suffit de circuler dans une ville chinoise, d'observer les nouveaux codes de décoration de La Poste française ou la tenue des touristes. Le mauvais goût est le dénominateur commun de l'humanité."
"En Russie, pour signifier qu'on s'en fout, on dit "mnie po figou". Et on appelle "pofigisme" l'accueil résigné de toute chose. Les Russes se vantent d'opposer leur pofigisme intérieur aux convulsions de l'Histoire, aux soubresauts du climat, à la vilenie de leurs chefs. Le pofigisme n'emprunte ni à la résignation des stoïciens ni au détachement des bouddhistes. Il n'ambitionne pas de mener l'homme à la vertu sénéquienne ni de dispenser des mérites karmiques. Les Russes demandent simplement qu'on les laisse vider une bouteille aujourd'hui parce que demain sera pire qu'hier. Le pofigisme est un état de passivité intérieure corrigée par une force vitale. Le profond mépris envers toute espérance n'empêche pas le pofigiste de rafler le plus de saveurs possible à la journée qui passe. Le soir constitue son horizon limite."
La plongée dans l'univers russe est une part importante de l'ermitage, une autre manière de penser, que l'auteur résume bien avec le "pofigisme". Une révélation identitaire, en quelque sorte.
Parlons d'identité. L'identité européenne, étendue jusqu'à la Russie sibérienne, que Tesson retrouve, mais n'exprime pas toujours clairement. Quand un de ses interlocuteurs russes s'étonne de voir qu'en France, des émeutiers arabes mettent à feu les villes, il émet une critique intelligente, sociale (voir plus haut) de la situation et de ses tenants, mais il réfute la question ethnique, pourtant évidente pour un Russe. Okay, le Russe pense peut-être que toute la France était concernée par ces émeutes, jusqu'au moindre village, ce qui est bien évidemment faux, savamment manipulé par les médias. Mais l'évidence reste l'évidence. Aussi, soit Tesson, pétri des bons sentiments institutionnalisés, rate un épisode, une des clés de son aventure, soit il préfère éluder la question et protéger son statut (on sait ce qu'il en coûte à ceux qui s'écartent du chemin !).
Il ne fait pas le lien entre la laideur imposée par la mondialisation, et les émeutes, le désir d'accéder à la bourgeoisie. Enfin... il ne le fait pas directement. Mais tout le livre est un appel à la beauté de la nature, et de la simplicité de l'être vivant au cœur de cette nature, en même temps que l'élévation, la transcendance de l'homme, qui trouve sa place, et son rôle. L'inverse de la vie hyper urbaine, déculturée, aculturée, ultra matérialiste, assistée, malsaine, qui régit l'Occident décadent. Impossible pour l'auteur d'employer le terme de décadence, mais pourtant elle est évidente quand on le lit.
J'ai pensé à Henri Vincenot en lisant dans les forêts de Sibérie. Quand l'auteur bourguignon quittait sa campagne pour affronter l'horreur de la capitale, lui qui venait d'un environnement sain, il était confronté au dérèglement, à la dépression (lire A Rebrousse-poil et les Yeux en face des trous pour s'en convaincre !). Tesson fait l'inverse. Il vient du pandemonium pour retrouver l'ordre naturel. Et tous deux ont la même conclusion.
Pour qui ne voudrait pas se poser cette question, le livre reste intéressant, et très bien écrit. Un journal, jour après jour, de la vie d'ermite, qui apprend à rythmer ses journées, à profiter de tout, accepter tout, et vivre. Vivre, même quand ce n'est pas dévaler des déserts à vélo, mais simplement regarder des mésanges manger des miettes de main sur un rebord de fenêtre. Chaque page du livre est un régal, entre poésie, aphorismes et philosophie, on réfléchit beaucoup en lisant ce journal. Et on réfléchit à soi.
J'ai regardé sur internet quelques interviews de l'auteur à la sortie du livre en 2011, résumant son aventure. Il est amusant de sentir le décalage entre l'auteur qui prend son temps pour raconter son périple, en paix avec lui-même, et une sorte d'incompréhension de ses interlocuteurs, pas dans le même rythme. La palme va à l'émission de Ruquier où une grue, ancienne favorite d'un futur ex-ministre, maintenant disparue des radars, semblait horrifiée par ce que l'auteur avait vécu, en gros, la peur de tomber nez à nez avec une grosse bête à chaque fois que le mec sortait de la cabane, entre deux coups de pelle pour chasser les mètres de neige tombés dans la nuit. Une lecture assez cocasse, car moi je n'ai absolument jamais ressenti de danger dans ce que Sylvain Tesson a vécu. La prudence face aux ours a toujours suffi à préserver sa vie. Le danger serait plus venu des hommes, à mon avis, que des bêtes. Enfin, drôle d'interprétation de la part d'une féministe acharnée qui finalement, ne fait qu'exprimer un stéréotype génétique féminin, une féministe de salon ayant peur de salir ses chaussures. On pensera plutôt à Lena qui éloigne les loups en leur jetant des cailloux, soutenue par ses vaches et son bœuf, venus à son secours. La chroniqueuse mondaine, les loups l'auraient recrachée après avoir eu une indigestion.
Malgré les conditions un tantinet spartiates du séjour, reconnaissons-le, l'auteur n'est pas arrivé sans technologie. Ordi portable, téléphone satellite, la moitié du matos n'a pas tenu le choc, mais il a filmé cette aventure. Et un film en est né, un très bon complément au livre. A voir absolument, mais surtout... à lire absolument !!!
Très sympathique petit volume que cet Empire du Baphomet ! D'où vient la création de l'ordre des Templiers ? Tout simplement de la rencontre un poil fortuite entre Hugues de Payn (et pas Hugues de Payns, erreur volontaire certainement pour éviter de payer des droits aux petits-enfants !) et un Baphomet, extra-terrestre avec tête de bouc, petites ailes dans le dos, qui s'est crashé avec son vaisseau extra-terrestre, en pleine mission de conquête de la Terre.
Le démon extra-terrestre va conclure un deal : pognon, pouvoir en échange d'aider à la conquête du monde, mais occultant un peu le but ultime de l'affaire, que tout ça profite uniquement au Baphomet.
Hugues de Payn accepte, et crée l'ordre du Temple ! Plus de cent cinquante ans plus tard, nous suivons Guillaume de Beaujeu à St Jean d'Acre, qui va expédier aux enfers les Sarrasins de Baïbars, avec l'aide d'une arme confiée par le Baphomet, qui fait passer le feu grégeois pour de la pâte juste bonne à réchauffer un caquelon à fondue : une grenade atomique ! Ce danger pour la Terre sainte écartée, Guillaume de Beaujeu entreprend de mettre sous son joug l'Orient. Il met à genoux Samarkand, et vise le palais du descendant de Genghis Khan...
Est-ce que les Hospitaliers vont accepter cette puissance inexorable de leur allié ? Les Mongols sont-ils plus braves que les Sarrasins ? Est-ce que le Baphomet va approuver qu'on touche à ses figurines qui permettent de communiquer, des walkies-talkies extraterrestres ?
Court roman de Pierre Barbet (158 pages chez J'ai Lu !), une uchronie bien pensée, assez révélatrice de l'époque, 1972, la peur de l'atome... Mais plongés en 1275, entre Francs, général suisse et ses soldats anglais, à la reconquête de Jérusalem, jusqu'à Cathay, on se croirait dans un Robert Howard de sa période croisades et... allez quoi, un Lovecraft pour un démon à ailettes tombé du ciel ? Un peu de Jules Verne pour la technologie de pointe dans une période où la bougie était un moyen de s'éclairer et pas un accessoire de décoration et qui sent bon ? Bon, comme c'est un court roman, ça va assez vite à l'essentiel, en reléguant des persos secondaires au minimum syndical, c'est peut-être le point négatif du bouquin... Croisade stellaire, sorti deux ans plus tard, semble être la suite directe de cet Empire du Baphomet. Visiblement, J'ai Lu ne l'a pas réédité, ce qui semblerait vouloir dire que le présent volume n'a pas connu un grand succès... Dommage ! Un bon petit roman SF de gare, avec du démon, de la bataille de croisés, ça remplit très bien son office !