Qu'est-ce qui arrive après un conflit nucléaire ? Après que la bombe ait pété, il se passe quoi ?
Au Japon, on sait. Il reste un gros tas de vide, et des ombres sur un bout de mur cassé. Dans l'océan pacifique, poisson frit au repas pendant plusieurs semaines. Aux USA, un frigo permet de se protéger de l'explosion, même si projeté à des dizaines de kilomètres, on en sort indemne. Au moins en Arizona. Pour une métropole, il reste pas grand chose, mais au moins les bouquins d'une bibliothèque sont nickels. Attention à pas se prendre les pieds dans les décombres sinon on en casse ses lunettes et c'est la quatrième dimension. Dans l'arrière-pays, les gens doivent prendre la route à pied pour rejoindre des points de ralliement hypothétiques. En Australie, les survivants sont des espèces de punks homos qui cherchent de l'essence pour aller taper de la gonflette, ou casser de l'ex-flic.
Bien, mais... plus proche de nous ? Parce que moi j'habite à la campagne, je vous ferai dire. Y a pas de désert, la bibliothèque c'est une médiathèque et sans électricité, ben ça retire de son intérêt et les bouquins... pas sûr qu'il y ait un vrai grand choix. Et pour s'y retrouver, sans un système de fiches percées, sur un système de tringles... chaud chaud. Enfin j'aurais le temps de chercher, vous me direz.
Bon bref. En France, dans la cambrousse, si ça pète, comment ça se passe ? Malevil vous l'apprendra. Ce film de 1981, adapté du livre de Robert Merle (qui semble-t-il, aurait été déçu du résultat cinématographique, éloigné de sa propre version. N'ayant pas lu le livre, je me contenterai de hausser les épaules et de le rajouter dans la liste des "à lire". A lire avant ou après une bombe nucléaire, je vous laisse cogiter), avec un casting plutôt pas mal (Michel Serrault, Jacques Villeret, Jacques Dutronc, Jean-Louis Trintignant), place l'action dans un village du sud-ouest de la France.
Le maire du village, Michel Serrault, retrouve quelques personnes dans la cave de son château pour un projet concernant la municipalité, un sombre projet de lampadaire devant chez le pharmacien... Arrive l'idiot du village, Jacques Villeret, avec sa radio portative qui braille les nouvelles pas très réjouissantes d'un monde en crise. Survient une panne de courant, même la radio s'est éteinte. Puis, un grondement suivi d'un souffle terrifiant, assourdissant, et une chaleur infernale, étouffante, qui fait s'évanouir la poignée d'habitants.
Après s'être réveillés de ce cataclysme, les survivants remontent à la surface pour découvrir un paysage transformé. Le château est une ruine, la terre est brûlée. L'hiver nucléaire s'installe...
Miraculeusement, quelques animaux ont survécu. Un cheval, une truie et sa portée... Le vétérinaire aura survécu, ainsi qu'une jeune fille, qui s'était réfugiée dans une grotte. La petite communauté, coupée de toute vie extérieure, et sous le commandement du maire, va subsister, et essayer de reprendre vie, guettant quelques signes d'espoir, entre un pépiement d'oiseau, et le retour des abeilles. Relativement épargnée par les radiations, la nature va reprendre ses droits, et au retour du printemps, les semences auront poussé. Attirant par là un nouveau problème... d'autres survivants, devenus complètement fous, que les villageois devront chasser au fusil, allant jusqu'à les tuer. Une décision lourde à prendre, mais qui en va de la survie de ce groupe d'hommes.
Ces nouveaux survivants ne sont en fait pas les seuls. D'autres survivants, moins fous, quoique, vivent également, pas très loin. Réfugiés dans un tunnel, dans une rame de train, ils sont dirigés par un despote, promu directeur, gourou, prédicateur, chantre d'une nouvelle humanité qu'il régit d'une main de fer.
Un nouveau danger que nos habitants de Malevil devront régler, pour enfin trouver une paix sociale, un espoir de vivre après l'apocalypse. Une utopie que viendront briser par le bruit de leurs rotors des hélicoptères militaires, obligeant les survivants à quitter la terre contaminée. Des hommes déshumanisés, en combinaison, dont on ne saura pas de quel camp ils sont, s'ils sont amis ou ennemis, et où ils emmènent les villageois...
Malevil est un film lent, mais sans longueurs, avec une certaine économie de moyens, on ne voit pas une explosion nucléaire spectaculaire, mais on vit avec les acteurs un évènement incompréhensible sur le moment, et la découverte d'un monde ravagé. Les survivants, en bons paysans, en hommes de la terre, ne restent pas les bras ballants à attendre la mort, mais encaissent ce coup et continuent de vivre. Un peu comme une saison sans récolte, mais en vachement plus rude. Ils ne posent pas vraiment la question d'être les seuls à avoir survécu. Ils essaient de contacter l'extérieur avec une radio, et la lettre du neveu, expédiée d'Australie laisse planer le doute d'un cataclysme mondial, ou pas. Seuls les habitants du tunnel croient être les seuls survivants et les nouveaux Adam et Eve d'un post-monde.
Malevil reste assez lugubre, avec une atmosphère glauque. Il est à part dans la filmographie des films post-apocalyptiques, si on les compare rétrospectivement. Il sonne tout de même très français dans sa réalisation et sa direction. Toutefois, la scène des survivants fous me rappelle la Planète des Singes, quand Charlton découvre sur ce qu'il croit être une autre planète, des hommes, rendus à l'état de bêtes. Cette déception de rencontrer d'autres "soi", mais qui sont en fait différents, des coquilles vides, créant ainsi une solitude du rescapé, finalement seul au milieu de semblables qui ne le sont que par leur apparence.
On passera sur les conséquences atténuées de la catastrophe radioactive, pour permettre à l'histoire de ne pas rester un huis clos sans issue. Une paix écologique contrebalancée par la fin sans espoir, avec le retour des militaires, ces hommes qui ont provoqué ce chamboulement, et qu'on croyait disparus, ils reprennent les survivants à leur liberté gagnée sur la bombe, sur la mort, pour les réintégrer dans ce système mortifère.
Bref, un bon film qu'on ne voit pas passer à la télé, et qui mérite d'être regardé !