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Le Tonnerre de Dieu - Bernard Clavel

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Léandre Brassac est un paysan sur le déclin, qui aime venir à Lyon pour écluser des godets. Dans le présent bistro, on lui présente Simone, une gagneuse. Brassac a beau avoir l'esprit étourdi par l'alcool, il a l'oeil qui frise, et il embarque la jeune fille, mais pas dans sa chambrette. Non il l'emmène chez lui.
Chez lui, à Loire. Simone se laisse emmener, comme avec n'importe quel client, elle ne fait plus attention malgré son jeune âge dans la profession. Mais quand elle se retrouve après plusieurs heures de train dans un coin de campagne où elle n'a guère l'habitude d'aller, loin des troquets où elle cherche ses michés de la nuit, elle perd ses repères.
La femme de Brassac l'attend, sans rien dire. La jeune fille, qui est la narratrice du roman, à la première personne, ne sait pas trop quoi faire, mais elle se laisse guider. Après tout, Brassac a de la gouaille mais il n'est pas méchant. Et il a payé. Elle passe la nuit dans un bon lit, aux draps frais et parfumés. Elle se souvient d'une autre vie, quand petite fille, chez sa grand-mère les draps avaient la même odeur.
Et puis Brassac a des chiens qu'il chérit. Un homme qui aime les bêtes... et sa femme qui ne dit toujours pas grand chose et ne la juge pas, avec son corsage insolent. Simone veut partir, mais la femme de Brassac préfère qu'elle attende son retour, avant de les quitter. Le fourneau est chaud, on n'est pas si mal ici, alors Simone reste. Et Simone va vraiment rester et s'installer. Devenir la fille que Léandre et Marie n'ont pu avoir. Et même si Brassac a l'alcool un peu bougon, voire carrément insultant pour sa femme au ventre stérile, il reste un homme bon, un homme qui lâche les chiens sur le souteneur Marcel, revenu chercher son outil de travail.
Il fait aussi découvrir à Simone la terre, les paysages, le vent qui souffle en haut de la vallée. Ce pays dur, mais où l'on se sent vivre, plus que dans les rades enfumés de la capitale des Gaules.
Quand Simone fait la connaissance de Roger, le voisin, l'amour naîtra, et leur union apportera au couple Brassac ce qu'il leur aura toujours manqué.

Le Tonnerre de Dieu est un roman assez court (125 pages en poche !) de Bernard Clavel, lors de sa période lyonnaise, en 1958. Une fresque de vie, des paysans sur leur terre, opposés à la grande ville, un couple à qui il manque des enfants, et une jeune femme, devenue pute par la force des choses, après que son unique parent a décédé. Finalement, loin du progrès, de la civilisation dégénérée, le bonheur revit...

Vous aurez noté sur la photo de couverture, le visage de Jean Gabin. Car oui, ce roman de Clavel a été adapté pour le cinéma, avec monsieur Moncorgé dans le rôle de Brassac. Ni une ni deux, après avoir terminé le roman, je suis parti en quête du film.

Le film de 1965, réalisé par Denys de la Patelière, reprend la trame générale du livre, mais se permet plusieurs adaptations. Le cadre change. Ici, on est à Nantes, et non plus Lyon. Brassac, s'il arpente les bistros en quête de mines qui lui font oublier (un peu) sa misanthropie, reste un vétérinaire reconnu, et en plus de ça, châtelain rentier, le père ayant racheté des vignes au bon moment. On est loin du paysan de Clavel qui survit plus qu'il ne vit.
La jeune prostituée, Simone, est jouée par Michèle Mercier (Mireille Darc n'était pas libre ???), et son mac, Robert Hossein (le couple de la série des Angélique, tout s'explique !). Si le cadre change, la trame reste donc la même, mais le scénariste déborde dans la psychologie de Brassac, en lui donnant un ton plus politique. Enfin, plus anarchiste, disons. Brassac est un bourgeois rentier misanthrope, et ami d'enfance d'un ministre, avec qui il ne se gêne pas pour exprimer ses opinions sur la France : "y a eu la grande Peste de l'an mille, mais tu vas voir la grande Merde de l'an 2000 !".
Brassac joute également de réthorique avec le curé du village, et avec les gendarmes. Un rôle pour Gabin, qui nous rappelle ses interprétations du Gentleman d'Epsom, du Baron de l'Ecluse, et dans ses diatribes les plus avinées, le père Péjat des Vieux de la Vieille, grimaces à l'appui.
Sa femme dans le film devient une Allemande, résignée elle aussi, mais aux traits moins burinés par l'effort que dans le livre.
La romance avec Roger est elle aussi plus développée. Le jeune ouvrier devient propriétaire terrien, ancien militaire d'Indo, mais blindé de pognon. Le scénario lui invente même une soeur, qui servira la bonne morale contre la petite prostituée, croqueuse de diamants, cliché pour faire durer la sauce avant le mariage des amoureux...
Mais ne vous inquiétez pas, la trame reste la même, jusqu'à sa fin.

Peut-être un film assez mineur de Gabin, mais où il incarne le rôle parfaitement, rappelant ici et là d'autres films, mais après tout, Gabin jouait Gabin.

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