Quand James Ellroy décide se fondre dans la peau d'un serial killer, le résultat c'est Un tueur sur la route, et on suit le récit de Martin Plunkett, "partant" de simple cambrioleur dont le plaisir est de s'insinuer chez les gens quand ils y sont, au meurtre de jeunes auto-stoppeurs... et puis c'est l'escalade. Le serial killer ne reste jamais trop au même endroit, et continue à tuer. Un jour, après un crime sur la route, il croise un flic et sent qu'il s'est fait gauler. Mais incroyable, ce flic, en fait, c'est un collègue. Oui, un autre serial killer, qui a le mérite en sus de le connaître et d'admirer son travail. Et cette admiration se change vite en autre chose, car les deux serial killer vont passer la nuit ensemble. Ca, notre Plunkett, il ne s'y attendait pas. Il l'avait pas percuté le Ross Anderson, avec son look de flic viril et sa moustache, qu'il était de la jaquette, et que finalement lui aussi, mais ça lui avait jamais vraiment effleuré l'esprit... Et lorsque Plunkett sortira de son trip de tueur solitaire, pour se maquer avec le Ross, il prendra trop de risques et signera sa fin. Chopé par les flics et cet inspecteur qui le traquait depuis le début. Voilà pour l'histoire. Pour le reste, c'est du pur Ellroy. Le crime, les bas-fonds, le porno... le vieux réac noircit les pages de sa plume cynique, et en même temps, c'est du bonheur. Tous les ingrédients sont présents, tout ce qu'Ellroy adore, et il nous en ressort un bouquin vraiment prenant, le road trip d'un serial killer. Petite anecdote marrante, il fait intervenir Charles Manson, lors d'un passage en prison de Plunkett, les deux hommes se croisent, Manson pond un discours mystique que Plunkett clot par une droite, et Manson va chouiner dans son coin. Eh eh, Ellroy doit pas trop l'apprécier !
Livre - Page 9
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Un Tueur sur la Route - James Ellroy
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Un Esprit dérangé - Harold Schechter
Est-ce qu'un homme qui déclare que ce qu'il préfère dans les enfants, ce sont leurs fesses, le plat le plus délicat à manger, est-ce que cet homme est vraiment mauvais ? On peut se le demander ! Au moins il a de l'humour.
Albert Fish a été au début du XXe siècle un des pires croque-mitaines qui fut. Un bon gros détraqué comme seuls les Etats-Unis savent nous les modeler. Détraqué jusqu'au trognon, jusqu'aux burnes, que venaient endolorir des aiguilles qu'il s'enfonçait lui-même. Meurtrier, pédophile, cannibale, pervers, sujet à l'auto-flagellation, et en plus de ça, un mauvais père !
Le livre-enquête de Schechter commence en 1924, et les enlèvements d'enfants se multiplient. Au nez et à la barbe de tout le monde. En plein jour, devant tout le monde. Personne, personne ne soupçonne le petit vieillard dans son manteau gris élimé, ce vieux bonhomme voûté et pâlot, à qui on donnerait le bon dieu sans confession, au pire, une pièce.
Pourtant, le papy, il cache sa force. En un tour de main, il arrive à emmener les enfants, et personne ne calcule. Encore mieux. Il passe une annonce pour qu'un jeune adolescent vienne l'aider à faire des travaux dans sa maison, s'inventant une propriété, ferme et chevaux, un appât pour attirer de la chair fraîche et brouiller les pistes. Un garçon est intéressé et Albert Fish se rend chez sa famille pour discuter de ça. Bah ! Le jeune homme est trop âgé pour les goûts - et la force - de Fish, mais par contre, sa petite soeur... totalement à son goût. Il embauche le jeune homme (qui n'entendra plus parler de lui après cette visite), et surtout, il propose aux parents d'emmener la fillette au goûter d'anniversaire de sa nièce ! Le pire, les parents n'émettent aucune opposition, trompés par le vieux qui fait bon genre. Ils se seraient bien abstenus s'ils avaient su qu'Albert Fish avait tué, et découpé leur fillette dans une mansarde délabrée et abandonnée. Enfin, il s'est pas gêné plus tard pour leur raconter ce qu'il en fit :
« Chère Mrs Budd. [...] Le dimanche 3 juin 1928, je vous ai appelée au 406 Ouest de la 15e rue. Je vous ai apporté un pot de fraise à la crème. Nous avons déjeuné ensemble. Grace s'est assise sur mes genoux et m'embrassa. Je fixai mon choix sur elle. Au prétexte de l'emmener à une fête, vous avez dit qu'elle pouvait y aller. Je l'emmenai dans une maison à Westchester que je venais de louer. Je lui demandai de rester à l'extérieur. Elle cueillit des fleurs. Je suis monté à l'étage et ai enlevé mes vêtements. Si je ne le faisais pas, je savais que le sang allait les tacher. Quand tout fut prêt, je l'appelai par la fenêtre. Puis je me suis caché dans le placard jusqu'à ce qu'elle entre dans la chambre. Lorsqu'elle me vit nu, elle se mit à pleurer et essaya de fuir par l'escalier. Je l'ai attrapée, elle dit qu'elle se plaindrait à sa maman. D'abord, je l'ai déshabillée. Comme elle donnait des coups de pied, mordait et griffait, je l'ai étranglée, puis découpée en petits morceaux afin que je puisse emmener la viande dans mes chambres. Je l'ai cuisinée et mangée. Ses petites fesses étaient tendres après avoir été rôties. Ça m'a pris neuf jours pour la manger en entier. Je ne l'ai pas baisée, même si je l'ai regretté. Elle est morte vierge. »
Fish aurait pu continuer ses crimes en toute tranquillité, s'il ne s'amusait pas à écrire des lettres aux parents des victimes. Chopé à cause de son papier à lettres... Sherlock Holmes n'en aurait fait qu'une bouchée. Parce que Fish aimait bien écrire des lettres, s'inventer des vies, et aussi se marrer en insultant des inconnues. Il entretenait des correspondances avec des femmes, au début de manière très courtoise, puis au bon moment, leur lâchait quelque saloperie bien dégueulasse.
Grâce à son arrestation, plusieurs crimes ont pu être élucidés, d'autres sont restés plus vagues (il s'attaquait beaucoup aux petits noirs car ils étaient plus en marge de la société blanche)... Egalement, les psychologues ont pu se pencher sur son cas quasi unique. De son homosexualité non assumée à son cannibalisme, toutes ses perversions ont pu être mises sur la table. Le seul élément qui laisse perplexe est qu'il ne se soit pas attaqué à ses propres enfants (hormis une lettre salace à sa fille). Il ne les a pas mangés, pas sodomisés, rien. Ils n'ont tout de même pas été épargnés, car ils ont découvert sa brosse à clous dont il se servait pour se flageller, et son fils le vit s'enfoncer des aiguilles dans le périné...
Bref, Albert Fish est un condensé quasi exhaustif des perversions et fait partie du visage des USA du début du siècle, avant les Ed Gein, les Jeffrey Dahmer et autres John Travolta. -
Les grandes énigmes de la guerre secrète
Les grandes énigmes de la guerre secrète. Quel tome ? Aucune idée, je pensais qu'il n'y en avait qu'un, jusqu'à ce que je tombe sur un autre tome... Bien, celui dont je vais parler possède une photo d'Himmler sur la couverture, l'autre, une d'Hitler. Aucune indication pour différencier les tomes, si ce n'est un point sur la tranche d'un des volumes... le mystère s'épaissit... Ca tombe bien, parce que les bouquins traitent de la guerre secrète, et donc de mystères !
Au sommaire, le débarquement allié en Sicile, une compagnie d'Anglais dans la jungle contre les Japonais, un espion turc à l'ambassade d'Angleterre, le chef de la résistance hollandaise à la veille de Market Garden, et l'implication de Canaris dans l'attentat contre Hitler.
Un sommaire pas forcément croustillant, un livre que je remisais pour plus tard, et finalement, après lecture, j'avais des a priori pas fondés du tout ! La lecture est tout simplement passionnante, sur des évènements, des faits, des acteurs aux conséquences importantes. Bon, hormis ce chef de réseau, King Kong, qui a joué un peu double jeu et fait gagné du temps aux Allemands, en même temps que mettre une sacrée rouste aux Alliés à Arhnem (on se re-regardera un Pont trop loin pour voir l'étendue des dégâts), cette histoire sur Canaris, le véritable intérêt réside quand même dans ce texte sur le débarquement allié en Europe, qui a commencé en Sicile... Un choix intéressant stratégiquement parlant, mais, pour qu'il se fasse dans de bonnes conditions, avec un soutien local de la population, les Alliés ont négocié avec... Lucky Luciano, parrain de la Mafia, alors emprisonné aux USA ! La porte d'entrée pour les Alliés en Europe, facilitée par la Mafia ! Un fait qu'on apprend très peu dans les livres d'Histoire...
Et puis nous avons un texte également très intéressant, très hollywoodien, presque, sur Cicéron. Pas l'antique Romain, mais un valet de chambre à l'ambassade britannique à Ankara, en 1943... De son vrai nom Elyesa Bazna, notre espion du Reich a un parcours assez étonnant... Il vivrait aujourd'hui, il se serait inscrit à un concours de télé réalité, vu son besoin d'être quelqu'un, et d'obtenir de la reconnaissance. Sur sa période d'espionnage, négociée à prix d'or auprès des Allemands, il a bénéficié d'un matos digne de James Bond, tout ça pour photographier des documents de diplomate, en récupérant les documents sur la table de chevet de l'Anglais endormi ! Il aura volé toute une série de documents que malheureusement pour eux, les Allemands n'exploiteront pas...
Enfin le dernier texte qui nous intéresse porte sur le lieutenant-colonel Windgate, spécialiste des actions de terrains en pleine lignes ennemies, à la nuance près, que les lignes, c'est dans la jungle, et que l'ennemi, ce sont les Japonais ! Or, tout bon Légionnaire sait que "les Japonais sont les rois de la forêt"... Avec ses troupes composées à moitié d'Anglais et à moitié des terribles Gurkhas, il aura effectué des missions durant plusieurs mois dans la jungle... Du bonheur pour les fans de David Morrell et autres Tom Clancy, les survivalistes et les maniaques de la guerilla en terrain hostile !!!
Un ouvrage donc, à lire sans concession ! -
De peur que les ténèbres... - Lyon Sprague de Camp
Il est de bon ton actuellement de cracher sur Sprague de Camp. Pour le mal qu'il a fait à l'oeuvre de Robert Howard. Ouais, il a établi une "collaboration posthume" avec REH, continué des histoires, transformé des aventures d'El Borak ou Vulmea en épisodes de Conan, il a dénaturé le Cimmérien devant le travail de Two Gun Bob, en plus du travail de sape et de censure de Weird Tales. Sprague de Camp est responsable de la diffusion et la propagation d'un Conan génétiquement modifié. Si depuis les magazines pulp, les noms de Conan et Robert Howard sont connus, c'est de la faute de De Camp. Si on connait Conan, c'est sa faute. Faute partagée avec François Truchaud aussi, devenue la deuxième personne à abattre (enfin, il est passé en premier, vu que De Camp est mort en 2000). Truchaud qui a traduit à la va-vite et quelque peu modifié le sens d'histoires, déjà corrompues par l'odieux de Camp, qui je le rappelle, est le fautif en chef, si Robert Howard ne fait pas partie des auteurs oubliés de littérature pulp (hormis de quelques geeks zineux qui eussent fait vivoter le nom dans leurs publications), ça reste la faute de De Camp.
Bien bien bien. Ben moi, je lui en veux pas tant que ça, quand même. Pour les raisons citées ci-dessus (pareil pour François Truchaud, pauvre vieux, il a dû en traduire, du bouquin, quand on passe son temps penché sur son écritoir, payé à coups de lance-pierre, les erreurs, ça arrive), et également, parce que de Camp, il n'a pas fait que mettre son nom en dessous de celui de REH sur les couvertures (et juste le sien sur les chèques), il a aussi livré quelques oeuvres personnelles. Et ce soir, j'ai envie de vous parler de "De peur que les ténèbres...", roman de science-fiction, mais largement orienté heroic fantasy.
Archéologue américain sur le terrain à Rome peu avant la seconde guerre mondiale, Padway tombe malencontreusement dans un trou. Non, en fait, une faille. Temporelle. Le voici projeté 1400 ans dans le passé ! Dans un empire romain en pleine décadence, assailli par les hordes de barbares venues du Nord.
Notre archéologue a un sacré avantage... il parle la langue (le latin) et a la bonne idée de connaître le passé, et donc ce qui va arriver... Il va réussir à s'imposer chef de cette bande de décadents et va refaire l'Histoire... empêcher ou contrer les attaques, établir de nouvelles bases, établir le siège du gouvernement à Florence, remettre un peu d'ordre dans tout ce bordel, et se servir de ce que les siècles précédents (ou plutôt, en 500 après JC, futurs !) lui ont enseigné. Il va réinventer le télégraphe comme moyen de communication rapide, et, assez peu fan du chianti ou du lambrusco, distiller son propre whisky. Qui n'a pas rêvé d'être projeté dans le passé à une période incroyable, et changer le cours de l'Histoire en adaptant quelques techniques modernes pour s'assurer la victoire ?
De peur que les ténèbres... se lit avec plaisir et le sourire aux lèvres, l'auteur instillant tout de même quelques doses d'humour dans le sujet.
A mon goût plus réussi que le cycle de Zei, de Camp signe ici certainement son chef d'oeuvre (en même temps, j'ai pas tout lu, donc je vous livre une formule à l'emporte-pièce, ne m'en veuillez pas), et ses détracteurs devraient lire ce roman, car à n'en pas douter, 95% d'entre eux n'ont jamais rien lu de de Camp qui ne contienne pas "Conan" dans le titre... -
Le Poisson chinois a tué Hitler - Jean Bommart
Le Poisson chinois a tué Hitler. C'est quoi ça, un nom de code ? Du révisionnisme qui attribuerait la mort d'Hitler à une absorption de fugu mal découpé ? Evidemment non, puisque le fugu est un poisson attribué aux Japonais.
Non non non, le Poisson chinois, c'est le capitaine Sauvin, agent secret français, cocorico ! Un agent secret à l'ancienne. C'est pas un minet de rosbeef qui cache des gadgets dans ses grolles et tire tout ce qui bouge et qui porte une jupe, voire tire dessus après. Un vrai Français, môssieur ! avec une sale gueule, mais au moins il sait se démerder sur le terrain, sans avoir à causer à son Q pour se sortir de la merde.
A la fin du conflit 39-45, le Poisson chinois met la main sur un officier nazi, et prend sa place, par un subtil grimage, auprès de Himmler, qui n'y voit que du feu, et va aller négocier avec le comte Bernadotte et Speer la reddition de l'Allemagne avec les Alliés. Revisitation de l'Histoire, c'est par un pli personnel que le Poisson chinois, infiltré, livre des informations à Hitler sur ses soit-disants copains, qui provoqueront son suicide, eh eh. On est en plein roman de gare, de l'espionnage assez moderne, pour un roman écrit en 1951 (ceci dit, comparé à des mecs comme Cicéron, Schellenberg ou Naujocks... ouais ouais ouais je vous parlerai de ceux là dans une prochaine note. Hollywood n'a rien inventé à côté d'eux !). Espionnage moderne, mais aussi une très bonne connaissance historique, Jean Bommart, qui devait bien se faire chier à son boulot chez Havas, à Belgrade, était très bien documenté, et a su restituer les épisodes de la fin de la guerre, et parle même de la division LAH, ainsi que du Wehrwolf ! Même s'il leur attribue un pouvoir peut-être un peu trop grand par rapport à la réalité... Mais bref, sous un titre qui semble loucher vers du San Antonio, le ton reste sérieux, sans manquer d'humour tout de même (la classe à la française), mais sans verser dans du Monocle, si truculent soit-il. 1-0 pour la France. -
Harry Dickson - Jean Ray
Où finit l'admiration ? Où commence la contrefaçon ? Car oui, Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, y a guère que le mot "américain" qui est de trop là dedans. Non seulement il est surnommé Sherlock Holmes, mais en sus il crèche rue Baker Street, et il donne des coups de main à Scotland Yard ! Bon, il se traine pas un docteur comme boulet, mais un élève, Tom Wills, qui est un poil plus dégourdi que son alter ego original... Alors oui, Jean Ray repompe sans vergogne l'univers de Sherlock Holmes avec son Harry Dickson sur une centaine de nouvelles, mais il le fait de la meilleure manière qui fusse : en pulp !!! Dans l'édition Librio de cette chronique, deux histoires, 60 pages chacune,
une intrigue un peu tirée par les cheveux, un dénouement à la fin de la nouvelle... le serial parfait. Que pouvait-on attendre de Jean Ray, le Lovecraft belge comme quelqu'un l'a appelé, le 17 juin 1960 (je me souviens pas de qui ou d'où, mais j'ai la date), l'auteur de Malpertuis ? Ben du steampunk, et de l'occultisme. Steampunk au travers de la première nouvelle, Les étoiles de la Mort, on est au temps du Progrès galopant, où quasi tout est possible... la deuxième nouvelle, le Studio rouge, verse dans l'occultisme. Celui de la fin XIXème, quand les bourgeois, aristocrates et anciens soldats coloniaux découvrent la pensée orientale... Les allusions sont très orientées, mais on imagine bien Victoria et la mère Blavatsky venir faire un petit coucou dans cette nouvelle...
Des nouvelles qui se dévorent de plaisir, pour tout fan de Sherlock Holmes, de pulp, d'occulte... Des Harry Dickson, y en a plein (une centaine, disais-je, si vous ne suivez pas), compilées dans quelques Néo, et Marabout géant, on espère voir une anthologie complète, histoire de pas se ruiner...
A propos de Jean Ray, le personnage vaut son pesant de cacahuètes... Ecrivain insatiable, journaliste, auteur à plusieurs casquettes, mais également contrebandier d'alcool !!! Le gazier a eu une vie remplie... Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus, un site internet assez complet : http://www.noosfere.com/heberg/jeanray/
Post Scriptum, quelques temps après cette note... follement emballé par la lecture de ce Dickson, je n'ai pas assez bossé le propos, et si le texte présent est signé Jean Ray, il faut bien signaler que ce n'est pas le créateur du détective américain. La série a démarré sans lui, et même continué sans lui !