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Livre - Page 5

  • Oro - Cizia Zykë

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    Impressionnant Cizia Zykë, quand il apparait sur le plateau de Pivot, dans Apostrophes en 1985. Malgré un ton timide, on a du mal à passer à côté de son physique de méchant de film d'action des années 80. D'ailleurs, dans Oro, il est un bad guy à sa manière. En fait, c'est le Bennett de Commando. Il n'est pas mort, il a buté John Matrix entre les couilles, comme il lui avait promis, et il est parti en Amérique du Sud. Un nez cassé, une moustache virile, une chemise ouverte sur pépite montée en pendentif, une paire de bottes et un gros flingue. Et Zykë s'en sert, de son flingue. Il éloigne les importuns, calme les esprits et les arnaqueurs avec son gros calibre...

    Oro est le premier livre de Zykë, une sorte d'autobiographie sur ses aventures au Costa Rica, qui lui vaudra une lettre assez remontée de son ambassadeur en France, qui n'aime pas trop qu'on soit insultant envers son pays, ou un peu trop franc, c'est selon.
    Pour résumer l'histoire, Zykë, après avoir bourlingué, et traficoté dans la vente d'objets pré-colombiens (cherchés à la source, dans les sites et cimetières antiques), débarque avec sa copine en plein Costa Rica, pour tenter l'aventure de l'or. Adieu la belle vie, la mort prématurée de leur enfant les a obligés à changer d'air. Pas de bol, ils arrivent dans un bidonville, un monde de boue, d'alcool à brûler que les Ticos boivent comme du café, le bas de l'échelle du sous-prolétaire qui n'a rien et va se contenter de quelques paillettes d'or pour se payer de l'alcool... Un environnement dégénéré où Zykë est plus malin que les autres, forcément, et il va gravir les échelons, comme il gravit la montagne, pour finalement avoir sa propre concession, ses hommes, ses machines, ses bâtiments, tout ça géré à la baguette et au 357 magnum. Zykë n'éprouve aucune compassion pour les hommes et les femmes du cru. Il finira par renvoyer sa femme, pour lui épargner un univers trop sauvage (la jungle dont il sortira à moitié mort), et ne s'encombrera de conquêtes que le temps de les sauter et les enculer, pour mieux revenir à son but : faire fortune avec l'or. Une fortune dont il ne verra pas grand chose au final, enculé à son tour par des promoteurs véreux.
    Pourtant, si Zykë boit des limonades sur sa chaise en regardant bosser ses hommes, à leur tirer au-dessus de la tête quand ils ralentissent le rythme, et fume des pétards toute la journée, il reste un bad guy doué d'un certain sens de l'honneur. Et de la classe. L'argent, quand il en a, il le partage, ou il le dépense en casino et autres jeux. Il paye ses hommes, il soudoie du flic véreux pour s'assurer une aide future, ou pour dépanner un ami qui n'avait pourtant pas écouté ses conseils, chopé aux douanes avec de la drogue... et même envers ses ennemis, il reste généreux. Mais quand ceux-ci le trahissent, il leur fait passer le goût du couscous. Il canarde la maison de son voisin, tue ses porcs et les offre à bouffer à ses hommes...
    Mais tout de même, il ne bute personne. Allons bon. Zykë, s'il exagère ou romance des passages de son aventure, fait bien l'impasse sur des meurtres de sang froid... Même s'il a dû tuer pour se défendre, il est sûr qu'il l'a fait, et pas qu'une fois. Le Costa Rica des chercheurs d'or, c'est un enfer vert ponctué d'étincelles. Zykë répondait "on ne pose pas ce genre de question" à Pivot quand celui-ci lui demandait s'il avait tué. Une réponse qui en dit long...
    De Kersauson, sur le même plateau, ne la ramène pas trop quand on lui demande son avis. Il a senti de quelle eau est fait l'homme en face de lui...

    Oro, c'est l'aventure. Une plongée immersive dans l'aventure du chercheur d'or, dans la jungle, la boue, les moustiques. On s'y sent poisseux, rongé par la chiasse et l'humidité. Un carnet de bord au style nerveux, direct, sans concession, et pas dénué d'humour. L'aventure, ouais.

    L'interview de Zyke chez Pivot :

     

    Au hasard d'un vide-grenier, je suis tombé sur une adaptation bédé d'Oro, de 1992, en un tome, le suivant n'a je crois jamais été édité. L'histoire s'arrête au milieu d'Oro. Le style est assez crade, Zykë est ressemblant, et la laideur des Ticos, de la jungle est bien restranscrite. Assez anecdotique, il vaut mieux se concentrer sur le livre, plus complet, évidemment.

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  • Les Agents de Lucifer - André Brissaud

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    Avec un titre comme "Les Agents de Lucifer", on pourrait s'attendre à une suite de "Hitler et l'Ordre noir", du même Brissaud. Pas vraiment, non. Si dans l'Ordre noir Brissaud détaillait les fondations de la SS et de plusieurs aspects pour le moins mystiques de cet ordre et de leurs chefs, ici, on pénètre dans des arcanes bien moins glorieuses, celles de la Gestapo et du Sicherheitsdienst, les services de police et de sécurité, dirigées par Himmler et Heydrich.

    Les Agents de Lucifer, c'est la guerre secrète, celle de l'espionnage, de l'intimidation, de la fourberie et de la déloyauté. Au travers de plusieurs chapitres dédiés à des histoires plus ou moins célèbres, André Brissaud nous fait des révélations incroyables, et pourtant, ce journaliste a vraiment fait le boulot, il a rencontré une bonne part des protagonistes de cette époque.

    Dans le livre, on découvrira que le salon Kitty a réellement existé, un bordel tenu par Madame Kitty, repère d'officiels, d'huiles du parti qui venaient s'encanailler, tandis que Heydrich avait fait truffer tout le bâtiment de micros, et il avait même recruté spécialement des femmes de la SS pour y servir d'escorts spéciales pour mieux soutirer des informations à leurs clients ! Et pourtant, peu de choses sont ressorties de ces écoutes... un essai un peu raté pour Reinhard !

    Nous apprendrons également qu'en France, le gros Goering avait donné ses ordres : "(...) la population française s'empiffre de nourriture que c'en est une honte (...) rien pour les Français. Ils n'ont pas besoin, eux, de manger de cette cuisine (...) Mais moi, je songe tout de même à piller, et rondement (...)"
    La France devenait le frigo de la maison de campagne des Allemands. Et la séparation de la France en deux zones n'arrangea rien. Ce qu'une zone produisait, l'autre en manquait. Les voyages spéciaux de contrebande faisaient le pain blanc des policiers et douaniers. Une ère de manque et de marché noir, dans laquelle deux hommes se sont particulièrement enrichis : Joanovici et Szkolnikoff. Ne vous attendez pas à ce que Spielberg fasse un film sur ces deux là. Ils n'auront jamais fait connu les camps de travail... Ces voyous se sont enrichis sur le dos de tout le monde, tournant leur veste selon qui ils servaient, ou qui les commanditait... Grand ami des Allemands, des truands de la Gestapo (des véritables truands qui ont été mis à ces fonctions, sciemment !), des résistants (résistants qui, eux aussi, jouaient double jeu, quitte à liquider des co-religionnaires un peu trop honnêtes envers leur engagement...).
    Des fortunes faites sur les bénéfices du marché noir, et qui après la guerre, ne se sont pas taries ! Sauf pour Szkolnikoff, qui a plutôt mal fini, flingué et brûlé par des comparses.

    Et puis le plus vieux prisonnier au monde, Rudolf Hess, parti en Angleterre pour négocier la paix avec le duc de Windsor, mais qui, déposé par Churchill, n'eut aucune part de décision, et Churchill préféra la guerre...

    De l'espionnage digne des films les plus aventureux ! Des réfugiés baltes menées par une espionne soviétique, démasqués par une espionne allemande ! Un valet d'ambassadeur anglais qui négociait avec l'Allemagne pour des clichés de documents subtilisés à l'ambassadeur pendant son sommeil !
    J'avais déjà parlé de ce fameux Cicéron ici, mais dans ce présent livre, l'affaire est largement plus développée, et un autre élément est dévoilé : le rôle de Cornelia, la secrétaire du contact allemand de Cicéron, qui s'avérait être une espionne américaine, bien que d'origine allemande ! Une espionne assez peu récompensée de son travail, car emprisonnée par les Anglais, méconsidérée aux USA, devenue accro aux médicaments, qui l'aidèrent à garder son calme et tenir son rôle durant ses années de mission. Et une déroute pour l'espion Cicéron, payé en partie en fausse monnaie.

    Fausse monnaie qui provenait... des Allemands eux-mêmes ! Ils avaient décidé de produire de la fausse monnaie anglaise pour dévaluer la livre. Un projet qui ne recueillit pas toutes les voix, mais qui se fit quand même, dans le secret bien gardé. Confiée à un Allemand qui prit un pseudonyme avec un titre de SS, pratique si démasqué, il pouvait s'en tirer plus facilement en n'étant pas lui-même nazi, cette charge fut menée comme, encore une fois, une aventure. Aller chercher les meilleurs faussaires dans les camps de concentration, arriver à fabriquer la meilleure copie, avec le papier le plus proche (on rigolera bien en apprenant que les Anglais utilisaient un papier de lin de dernière catégorie, en provenance d'Inde pour leur monnaie, et non pas un vélin de haute qualité !), et une diffusion finalement plutôt limitée, à cause d'une hiérarchie qui appréciait peu ce genre de tricherie, et des banques qui détectaient vite la fraude. L'incroyable aventure de ce Dr Wendig, qui confia une somme importante à deux de ses hommes et une secrétaire, partie avec les deux hommes pour faire la fête à Laibach (Ljubljana)... l'un des hommes braqua ses compagnons, prit la fuite avec l'argent, et les deux autres le firent arrêter par la police italienne, et à leur tour furent mis au cachot, car la mallette retrouvée contenait de la fausse monnaie ! A la fin de la guerre, sentant clairement le vent tourner, les camions ont emporté les presses, l'argent, mais une panne de camion força des indiscrets à s'y intéresser... l'engloutissement de sommes d'argent dans un lac amena de drôles de visiteurs faire de la plongée, jusque dans les années soixante ! Des cadavres y apparurent un peu mystérieusement, jusqu'à la découverte finale du trésor....
    Et notre Dr Wendig, reparti chez lui en Autriche, avec quantités de trésors, fausse monnaie, diamants échangés... arrêté, puis prévenu par un ancien comparse de la venue de deux inspecteurs américains... il donna tout son trésor (même s'il lui resta des possessions immobilières et autres, tout de même pas à la rue, le coco) et finalement, pas de nouvelles des agents américains. Un membre de l'OSS confia à Brissaud que les noms de ces deux hommes n'étaient pas connus du service, le Dr Wendig s'était donc bien fait avoir...

    Et la fin tragique de Heydrich, victime d'un attentat qui a failli rater (une mitraillette qui s'enraye, mais une grenade en plan B qui a redécoré le dos d'Heydrich), et le sort encore plus tragique du commando, assiégé dans une église, et de villageois tchèques, tués pour l'exemple.

    Un livre fascinant, qui nous en apprend beaucoup, et surtout, qui se lit comme un roman d'espionnage, tant on a l'impression parfois d'être dans un film ! et on en apprend également sur la lourdeur de l'administration allemande, les personnalités qui s'affrontent, comme Heydrich et Himmler, Schellenberg et Naujocks, si ces conflits de personnes et d'egos n'avaient pas existé, la machine de guerre allemande aurait certainement pu durer plus longtemps, et atteindre d'autres objectifs. Quand, dans l'histoire de Cicéron, on sait qu'il a fourni des documents préfigurant le débarquement allié, les Allemands ne voulurent pas prendre ces faits en compte, craignant que ce soit un contre-espion, ou pis que cela, pour contrecarrer les ordres d'un officier détesté...

    Alors si ce livre s'éloigne de "Hitler et l'Ordre noir", il se rapproche beaucoup de "Histoire des Services secrets nazis" qui lui aussi relate des aventures aux images quasiment cinématographiques, de l'espionnage nazi.

  • Entartete Kunts - Dennis Dread

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    Entartete Kunts est le livre rassemblant les oeuvres et artistes d'une exposition qui a eu lieu à Portland, Oregon, aux USA, entre 2007 et 2009. Le terme Entartete Kunts fait référence à l'allemand "entartete Kunst", ou "art dégénéré", pour qualifier les oeuvres prohibées du temps des nazis. Dennis Dread a donc détourné ce terme pour cette expo, dont voici - enfin le bouquin, fruit de quatre ans de travail.

    Et tout de suite, on apprécie le travail. Le bouquin est superbe, couverture toilée, papier glacé... et tout couleur (ici c'est la version couverture reliée, à 400 ex., il existe une version couverture souple limitée à 600 exemplaires).
    Dennis Dread, l'auteur de ce livre d'illustrations a découpé le livre en trois parties. J'avoue ne pas trop bien comprendre pourquoi, mais je n'ai pas fini de lire l'introduction, ah ah ! Oui je me précipite pour écrire cette note. Chaque illustrateur/peintre/artiste est présenté via une rapide biographie, et sur plusieurs pages sont reproduites quelques unes de leurs oeuvres. Quelques artistes ont droit à une interview : Joe Petagno et Jos A. Smith (le créateur du bouc de Bathory, que Quorthon avait repris sans vergogne, en prétextant un "collage" !). Nous avons également une biographie plus longue de S. Clay Wilson, disparu depuis.

    La majorité des artistes ont travaillé avec des groupes de Metal, ou de Punk/Hardcore. C'est bien là qu'on voit la séparation dans la musique, et entre les styles des artistes, ou plutôt... leur vision. Pour le punk HC on a plutôt des dessins à la limite du comique, avec de gros yeux, de gros traits, du mouvement, des quéquettes, et des accessoires, dans un environnement qui a souvent une dimension sociale. Le glissement vers le Metal se fait par plus de cadavres, moins de fun. Et on arrive à des oeuvres, comme celles de Timmo Ketola, Musta Aurinko, Jos A. Smith, Paul Henri Toorenvliet (le mec de Lugubrum) qui transcendent tout ça pour n'être que des oeuvres de noirceur pure. Des visions de l'enfer. Tout aussi noir, Lorenzo Mariani oeuvre également dans un autre style, des portraits plus vrais que nature. Il a fallu coller mon oeil aux reproductions pour voir que c'était bien du crayon, et pas une photo.

    Ce bouquin, en tous points, est réussi. On pourra regretter l'absence de quelques illustrateurs de génie, comme Paolo Girardi, Putrid, Chris Moyen ou Daniel Desecrator, mais la qualité est là. Je suis moins sensible aux oeuvres typées "punk", mais cela permet de découvrir le style.

    Les illustrateurs dont une partie des oeuvres sont reproduites dans le livre édité par AJNA sont :

    Sean Aaberg
    Jim Blanchard
    Stephen Blickenstaff
    Andre Bouzikov
    Jeff Gaither
    Sean McGrath
    Ed Repka
    Rich Rethorn
    Mark Riddick
    Frank Russo
    Ross Sewage
    Scott Stearns
    Reuben Storey
    Sean Taggart
    Nor Prego Argibay
    Musta Aurinko
    Bobby BeauSoleil
    Conny Cobra
    Drew Elliott
    Kriss Hades
    Timo Ketola
    Paul McCarroll
    Joe Petagno
    Chris Reifert
    Richard Sayer
    Glenn Smith
    Jos A. Smith
    Strephan Taylor
    Chanel Adair
    Nick Blinko
    Erik Danielsson
    Dennis Dread
    Michel Langevin
    Lorenzo Mariani
    Rob Miller
    Luis Manuel Quiroga
    Pasquale Reca
    Arik Roper
    Jason Storey
    Paul Toorenvliet
    Kristian Wahlin
    S. Clay Wilson

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    Entartete Kunts est dispo :

    en couverture rigide : http://www.forgottenwisdomprod.com/catalog/product_info.php?cPath=38&products_id=4398

    en couverture souple : http://www.forgottenwisdomprod.com/catalog/product_info.php?products_id=4397

  • Le bel Effet Gore - Jean-Philippe Mochon

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    Voici, en quelque sorte, une biographie de la collection Gore, célèbre collection de chez Fleuve Noir, qui en bon éditeur, a su toucher à tout pour atteindre la corde sensible de tous les lecteurs, qu'ils soient fans de polars, d'espionnage, de science-fiction, de fantasy ou heroic fantasy... et même de gore. Ces pendants bouquinesques de films craspecs, où dans le pire des cas, il fallait se fader une heure quinze de film chiant pour voir une séquence de trois minutes avec du sang, de la bidoche, du sadisme, et des effets spéciaux assez foireux. Dans le meilleur des cas, comme pour le Brain Dead de Peter Jackson, c'était l'apothéose du genre, plus besoin de livres mal écrits, avec ça, de la violence graphique à s'en faire gerber !

    Mais revenons en à Fleuve Noir qui édita la collection Gore, de 1985 à 1990 avant de passer la main à Vaugirard. Une grosse centaine de volumes, dont curieusement, je ne me suis jamais vraiment intéressé dans les années quatre-vingt-dix et deux-mille (peut-être parce que je n'en ai quasiment jamais vu dans les bouquineries, brocantes et autres vides-greniers ?), et une réputation de bouquins de dernière zone, pour puceaux adolescents, dirons-nous, mais avec quelques auteurs qui ressortent, dont le non moins culte Joël Houssin (à qui l'on doit le Doberman).

    Ici, un certain Jean-Philippe Mochon nous en dresse un panégyrique. Qui est ce monsieur Mochon ? Décrit comme ayant été journaliste à l'Echo des Savanes, Google ne donne pas plus d'infos, et renvoie sur des photos de mecs en costard, dans le genre commis de l'Etat. Mouais... Serait-ce un pseudo ? Bref. Le livre ressemble plus à un fanzine aux cotes d'un format poche, avec quelques interviews d'auteurs (Corsélien, Nécrorian, Eric Verteuil...), quelques courtes (voire très courtes !) nouvelles "gore", et surtout des entretiens avec les directeurs de collection, ceux à qui l'on doit cette édition. C'est bien là où réside l'intérêt du bouquin. Des souvenirs précieux de découverte d'un genre, du combat pour réussir à créer cette collection et la faire vivre, contre la censure, contre le bon goût, et tout ça, évidemment en avance sur son temps. Ceci dit, la période de 85 à 90 correspond bien au style, avant, ça n'aurait pas été envisageable, et après... disons qu'il aurait fallu attendre les années deux-mille pour que ça colle, avec le cinéma revenu au gore, dans son côté le plus crade, et le moins rigolo possible. Entre Bad Taste et Saw, y a un monde.

    Une autre partie intéressante du bouquin est le détail des soixante premiers volumes, résumés par JP Mochon, et le directeur de la collection, Daniel Riche. Des critiques pas toujours dithyrambiques de la part des deux intervenants, et là on se rend compte du côté "boulot" de l'édition, où les belles idées font vite place aux réalités de rendement, de production d'une grosse boite. Daniel Riche n'hésite pas à dire que certains bouquins édités sont nuls, ratés... que les Anglo-saxons ne sont pas meilleurs que les Français (cocorico !), et que toute la collection ne se vaut pas. Un aveu d'erreur tout à son honneur, car au moins, si des volumes sont des échecs, ils ont eu l'heur d'exister, de permettre à leurs auteurs d'être publiés, et le public a jugé. Certains textes mêmes n'étaient pas réussis, mais se sont bien vendus. La littérature populaire, voilà bien un genre où tout le monde a sa chance ! Je ne pense pas que ce soit encore guère le cas de nos jours... malgré une production pas forcément folichonne. Ni bonne, ni mauvaise, mais insipide. Comme notre époque.

  • L'abominable Dr. Petiot - Jean-Marc Varaut

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    Marcel Petiot, docteur ès médecine de son état, mais également maire, conseiller général déchu, est un de nos serial-killers les plus connus.

    Ce livre de l'avocat Jean-Marc Varaut nous aide à mieux le connaître.
    Si l'on sait ses meurtres à Paris pendant l'Occupation, on sait moins son histoire sur Auxerre. Une enfance déjà marquée par la perversion, le sadisme envers les chats... et ses études de médecine, alors que diagnostiqué psychotique ! Mais Marcel Petiot, c'est une ambivalence permanente. A la limite de l'autisme débile, et en même temps charismatique, hableur, avec un grand sens de la répartie.  Pas étonnant donc qu'il devienne maire, et conseiller général.
    Mais très tôt, il y a les crimes. Souvent crapuleux, histoire de soutirer quelque argent, ou de se venger. Il est lié à la petite pègre, et règle ses comptes définitivement. Souvent inquiété, il s'en sort toujours. Par un grand sens de la rhétorique, qui le sauve des geôles.

    Pourtant il partira à Paris, pour y dispenser ses soins. Il habite au 66 rue Caumartin. Détail amusant, la sombre affaire Méric (un leucémique rachitique mort dans une rixe, après avoir voulu attaquer son adversaire en lâche, par derrière, même pas protégé par le protège-dents qu'il portait) a eu lieu devant le 65 de cette même rue ! Une rue de violence... Claude Seignolle et Guy Breton auraient adoré rapporter ces faits !
    A Paris, c'est donc sous l'Occupation que le Dr Petiot professera la majorité de ses crimes, en détroussant des clandestins, leur faisant croire à un réseau de passeurs, mais les empoisonnant... il récupérera de l'argent, des biens, sur ses victimes juives, mais également provenant de la petite pègre. Quant aux corps, il les fit fondre à la chaux vive, ou alimenta sa chaudière de leurs membres. C'est d'ailleurs ce qui mettra au grand jour ses agissements. D'un brutal pied de nez, ou d'un majeur tendu, Petiot se fait passer pour un résistant pour échapper aux flics, et rejoint réellement la résistance, et traque les collabos durant l'Epuration ! C'est son arrogance qui le perdra, quand, très classiquement, les flics feront paraître des énormités sur son compte dans les journaux.
    Et pourtant Petiot se défendra, en mêlant toujours le vrai et le faux. Oui il a tué des gens, mais c'étaient des boches, des collabos. Il faisait partie d'un réseau de résistants. Et dans une période où les Vichystes sont encore aux manettes, même si cachés, il refuse de donner les noms et les détails de son groupe.

    Grosse difficulté pour l'accusation, car à cette époque, comment démêler le vrai du faux ? Contrairement à la légende que nous connaissons maintenant, apprise de force à l'école et par les médias, la résistance, c'est compliqué. Y avait pas que des enfants de choeur pour faire le sale boulot à l'époque. Un sale boulot souvent rémunéré, du coup... le résistant pouvait vite devenir un collabo. Et à la Libération, avec tous ces noms de codes, ces pseudonymes... et les morts qui ne pouvaient plus parler, comment savoir qu'un collabo n'avait pas pris la place d'un résistant pour avoir sa place au soleil ? Inversement, des résistants pouvaient balancer d'autres résistants comme collabos, s'ils n'avaient pas leur carte du parti bolchévique...
    Une période trouble, évidemment où le manichéisme n'est certes pas une clé de compréhension.

    Malgré sa défense, Petiot finira coupable, et exécuté.

    Il aura laissé des morts derrière lui, et des interrogations sur le nombre exact de ses victimes.
    Nous l'avons dit, Petiot était un cinoque. De première. On est partagé entre la nécessité de tuer pour voler de l'argent, et sa soif de meurtre, pure et simple. Une perversité qui ressortait également dans son caractère, par une certaine ironie, et un côté vilain plaisantin. Il avait un humour particulier, le Petiot. Voler la grosse caisse offerte à un orchestre, pour l'offrir à nouveau, peinte d'une nouvelle couleur... A demi-confesser des crimes tout en jouant sur les mots...
    Une véritable tronche, ce Petiot. Un tueur en série de grande classe !

    Il y a un film de 1990 avec Michel Serrault, "Docteur Petiot", que j'ai regardé. Ouch. On sent le cinéma français de 1990. Musique insupportable d'accordéon triste (plus triste que la bamba triste !), qui a été la patte du ciné français et ce qui me fait le détester. Peu d'acteurs connus en dehors de Serrault. Le générique précise : "Ce film est librement inspiré de la vie du Docteur Petiot". Merci de la précision ! Parce qu'au début, c'est spécial. Petiot va au cinéma pour voir une espèce de Nosferatu refait pour l'occasion, s'énerve de la véracité du film, finit par rentrer dans le film... Puis chez lui, arrivé en haut de ses escaliers, il laisse tomber une boule à neige qui éclate... Qu'est-ce que sont ces délires de réalisateur qui se prend à faire de l'art et d'essai ??? Stop les gars, un peu de sérieux.
    Le film est centré sur la période parisienne de Petiot, pendant et après la guerre. Le film reprend des éléments précis, par petites touches (Petiot est nyctalope, le point de croix de Valenciennes...) mais se distingue sur beaucoup d'autres points. Evidemment on n'échappe pas au pathos du couple juif forcé à fuir (encore que si le film fût fait aujourd'hui, c'eut été pire ! On aurait eu droit à du larmoyant pleurnichard de très mauvais acteurs comme Gad Elmaleh, qui n'a jamais été aussi drôle que dans la Rafle), mais par contre, silence complet sur l'incarcération - et la torture - pendant huit mois à la Gestapo de Petiot (qui lui permit de nourrir quelques liens et d'en apprendre sur la résistance par ses compagnons de cellule). Ca ne gêne pas vraiment le récit, de toute façon. Serrault ressemble assez à Petiot, avec force maquillage, qui au final lui donne un côté blafard théâtresque, une sorte de clin d'oeil au vampire Nosferatu, mais ils auraient franchement pu se passer des cheveux en pointe dans une mode faustienne ou luciférienne, et Petiot sur son vélo la nuit, riant de manière satanique. Oh, à Paris à vélo en hurlant la nuit ?? On se moque de nous là ? Y avait pas un ou deux soldats allemands pour vérifier l'Ausweis ? Gabin et Bourvil se sont bien faits choper, eux !
    La femme de Petiot est étonnament jeune et jolie, aussi. Ca ne cadre pas vraiment. Les hommes de main ont disparu pour faire place à une mafia plus sélect, et Petiot passe un peu pour leur homme de main, voire à un moment... pour être au service des Allemands.
    Mais bon, le film est assez correct, mais je vous avoue que le rip d'une VHS, avec les images baveuses et une colorimétrie approximative, et ce putain de bruit d'accordéon... rendent le film légèrement glauque. On n'est pas dans le nanar, et à part le début, c'est assez académique... Bon, autant lire le livre de Varaut (ou d'autres) pour se faire une véritable idée de qui était l'horrible Docteur Petiot !

  • RIP Richard Matheson

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    20/02/1926 - 23/06/2013

     

    L'écrivain et scénariste Richard Matheson est décédé le 23 juin... Auteur prolifique (environ 200 nouvelles), il est autant, voire plus connu pour les films réalisés sur ses scénarios, que ses écrits. Je suis une légende, Duel, l'Homme qui rétrécit ont été adaptés de ses romans, et il a été au scénario de pas mal d'adaptations cinématographiques, de Poe (la Chute de la Maison Usher, le Corbeau), et même de Denis Weatlhey car on retrouve Matheson au scénario des Vierges de Satan avec Christopher Lee dans le rôle du Duc de Richleau.
    Il a été également à l'origine de plusieurs histoires mises en scène dans la série la Quatrième Dimension.

    Un auteur incontournable qui vient de nous quitter...

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