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La Crypte du Chat Roux - Page 10

  • Explosions textiles - mon premier T-shirt de groupe

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    Je vous avais déjà parlé de Nasty Samy dans ma note sur la bio de Kevin K. Ce maniaque qui a horreur de se poser cinq minutes pour glander, cumule activités de musicien au sein de plusieurs groupes, les siens propres, ou en tant que session pour divers groupes en tournée, tournées qu'il effectue bien volontiers, et à côté de ça il anime un site, www.likesunday.com, dont les écrits se sont retrouvés imprimés dans plusieurs numéros de son zine éponyme, il fait un podcast, une véritable émission de radio faite avec les moyens du bord (qui de nos jours, sont largement équivalents à des moyens pros) où il passe des disques, interviewe des gens, commente seul ou avec un comparse l'actualité ou la culture Metal/punk/bédés/films d'horreur, a sorti la bio de Kevin K, et écrit dans Rise Tattoo Magazine, ainsi que dans le magazine RAD Motorcycles.
    J'ai bien peur que, durant le temps que j'ai passé à énoncer ses activités, il ne s'en soit trouvé une nouvelle. C'est vous dire l'espèce d'énergumène à qui on a affaire.

    Et ben le gars il a aussi eu une idée, et il en a fait un bouquin. Ca s'appelle Explosions textiles. Vous vous souvenez de votre premier Tshirt avec un logo de groupe, un placard avec un démon malfaisant évoquant des guitares tronçonneuses ? Nasty Samy a posé la question à quarante-quatre personnes. Bon, évidemment, ces quarante-quatre personnes (il y a quarante-cinq auteurs, Nasty Samy s'est bien évidemment fendu de son souvenir adolescent !) sont issues de la scène Punk Rock ou Metal, certains sont des gars bien connus, la plupart... restent des anonymes pour qui est étranger à tout ça.
    Parmi les gens connus, il y a le mec qui a fondé le magazine Rage, et bossé à Rock & Folk, Tracks sur Arte, un journaliste ayant bossé à Hard n'Heavy, Rock Sound, des biographes d'Ozzy, Supuration, et surtout, il y a moi ! Et oui les copains, j'avoue sans déplaisir avoir participé de ma modeste contribution à l'aventure de ce bouquin.

    Mon premier tshirt, c'était Alice Cooper. J'avais treize ans, j'étais en voyage scolaire en Angleterre, et ayant pu échapper aux visites imposées par l'école, je m'étais aventuré dans les échoppes louches de Londres, en ressortant avec un Tshirt horrifique, et surtout une grosse dalle, on avait vraiment mal bouffé pendant cette semaine. Le petit déjeuner avec une tasse d'eau chaude (sans thé !!!) et deux pauvres tartines de beurre salé, ouch. Quelques années plus tard, c'était en Espagne, avec l'IUT, les paniers repas étaient infects, les repas le soir sans eau (eau minérale payante, eau du robinet... on le payait aussi, mais de sa vie)... mais bon, cette fois là, on tirait les nutriments de l'alcool qu'on ne lésinait pas à boire. Bref, mon premier Tshirt, c'est toute une histoire, que justement je raconte dans le livre.

    Les plus sceptiques d'entre vous douteront de l'intérêt d'un tel projet, puisque ça reste underground niveau auteurs, et puis le premier Tshirt, certains s'en moquent comme de leur première chemise (il fallait bien que la place, celle là !).
    Je répondrai simplement : oui. Tout est dans le titre. C'est un peu réducteur comme idée, mais... il est bien édité chez les concurrents, à des prix largement plus vertigineux, des biographies non autorisées, basées sur des articles de journaux, des "anthologies", compilations de chroniques de disques de Black Metal avec des pochettes pixelisées, piquées sur internet. Alors pourquoi pas un livre sur la magie provoquée par son premier Tshirt ? D'autant plus que c'est bon esprit, détendu du gland. Chacun y va de sa madeleine de Proust, évoquant souvenirs émus, joie de découvrir... C'est très sympathique à lire.

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    Maintenant, je vais formuler une critique un peu plus poussée du livre.
    Une chose ressort, je l'ai dit plus haut, c'est l'enthousiasme des auteurs à parler de ce moment de leur vie, qui est un passage. Très souvent, il a lieu à l'adolescence (oserai-je dire puberté ?). On sort de l'enfance et on choisit un vêtement qui rompt avec l'innocence et l'inconscience de la mode (quoique cette analyse, aujourd'hui...). Encore en plus quand il s'agit d'arborer les couleurs d'un groupe de musique rebelle, violente et subversive comme le sont les groupes Punk et Metal (quoique aujourd'hui... bis).

    Dans le livre, on peut distinguer trois générations d'auteurs, et de porteurs de Tshirts. Les premiers, nés entre 1969 et 1972, les deuxièmes, nés entre 1977 et 1983, et les troisièmes (assez peu représentés ici), nés après 1985.
    On va reconnaître ces trois générations par le type de tshirt porté, quels groupes, et surtout par la manière dont ils l'ont obtenu. Les "anciens" ont surtout commandé leur tshirt par une VPC, Harry Cover en Angleterre (le jeu de mot était-il intentionnel ?), ou par un voyage à la capitale, le maillot de corps sérigraphié étant assez peu diffusé en magasin (mercerie, même).
    La deuxième catégorie, largement représentée, regroupant Nasty Samy, moi-même et pas mal de ces acolytes qui ont répondu à la question, se retrouve avec un Tshirt Metal très souvent comme premier maillot. Acheté sur le marché. Faut dire que la plupart des auteurs sont des provinciaux. Le morphotype sociologique parisien serait assez différent à mon avis. Puces de Clignancourt !
    La troisième catégorie suit assez la deuxième, les groupes évoluent, ce sera plutôt Korn que Kreator, mais on trouve le Tshirt par les mêmes biais.
    On pourrait s'étonner que peu de gens achètent leur premier Tshirt à un concert. Celui-ci doit être le deuxième Tshirt. Ou l'achat du premier dans un cercle non exclusivement Metal/Punk (VPC, concert, distro, etc) est une sorte de rituel de passage. En même temps, au sortir de l'enfance, acheter son premier tshirt directement dans une distro de mecs un peu louches (mais au grand cœur si on creuse un peu), ça semble un peu irréel s'il n'y a pas un pote, un grand frère qui fait office de passeur.

    Malgré ces questions de génération, autant l'avouer, d'autant plus que j'ai participé à la chose, sans avoir lu d'autres interventions, il faut reconnaître une chose : on est tous pareil. C'est bien ce qu'on retire de la lecture du livre. La même passion, déclinée sous divers styles, une certaine évolution des goûts et intérêts vingt ans après, mais on sent l'œil qui brille, et les boutons d'acné qui poussent, cette même sève qui revient, sur une période qu'ici personne ne renie.

    J'en viens au seul écueil du livre. Les auteurs, on se reconnaît en eux, malgré les différences de génération. Seulement... ce sont tous des hommes. Le point de vue féminin aurait été intéressant à connaître, dans ces milieux underground et virils, les filles sont rares, encore plus rares quand elles restent dans le milieu, et n'ont pas forcément la même approche de tout ça. Je me souviens, au collège, y avait une nana de ma classe qui avait un tshirt Megadeth "Countdown to Extinction". Elle connaissait pas Megadeth, elle trouvait juste le Tshirt cool. Je l'avais méprisée pour ça. Un peu con, hein, j'aurais plus eu mes chances avec elle qu'avec d'autres bêcheuses qui m'ont cruellement éconduit. C'est tout moi, ça.
    Et dans le bouquin, y a quand même une fille. Et là, amère déception. En guise de mémoires, elle nous pond une sorte de nouvelle qui en soi, n'a aucun intérêt. La tranche de vie de trois potes en voiture, en direction d'un concert, maniaques sur leurs Cds, et collectionneurs de Tshirts. Histoire plutôt banale à mon goût, puisque collectionneur de disques et de Tshirts, comme beaucoup j'imagine (pas de la génération mp3, sorry guys). Du coup son point de vue féminin... y en a pas. J'ai même peur que la nana n'ait fait aucun cas de son premier Tshirt Metal, Punk ou Rock si elle en a jamais eu un.
    Tout ceci a plutôt tendance à me conforter dans le fait que le Metal (plus encore que le Punk ou le Rock) est quelque chose de foncièrement masculin, en tout cas qu'il fait appel à des récepteurs virils, que ça se passe dans les intestins et dans les couilles, et que malgré la minorité de filles partageant ce même goût, ce n'est pas quelque chose qui parle à la gente féminine.
    Un peu comme la guerre, quoi, ah ah ah.

    Allez, n'hésitez pas à choper le bouquin (à prix très décent ! Y a même un poster pour votre chambre d'ado) chez le Mortuacien qu'est Samy : http://www.nastymerch.com/

  • Equinoxe !

     

    C'est le printemps !!

  • Conan the Barbarian - Basil Poledouris

     

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    Bon, on va s'éviter toute forme d'introduction stérile, à tourner autour du pot. Conan le Barbare est le meilleur film d'Heroic Fantasy qui soit, un péplum disent certains, mais aucun film n'a pu l'égaler, surtout pas les films réalisés en images de synthèse avec un acteur qui tourne devant un fond vert, et qui porte des balles de ping pong pour faciliter les prothèses numériques. Okay, ce n'est pas la meilleure adaptation du Conan de Robert Howard qu'on aurait pu rêver, Schwarzy fait un peu benêt par moments, un Cimmérien n'aurait jamais pu être esclave, ne serait-ce que cinq minutes avant de se rebeller et mourir sous les lames de ses geôliers, mais bon, eh, quand on voit le résultat avec Ralph Moeller ou Kevin Momoa, hein, on va pas se plaindre.

    Non, Conan est un film magnifique, des images magnifiques, des plans incroyables (l'éclaireur picte ou vanir dans la clairière avec les chevaux qui déboulent derrière, rien que ça, c'est bonnard), peu de dialogues, mais tout ça soutenu par une musique de fou, qui renvoient Wagner, Carl Orff, Ravel et son boléro dans leurs pénates avec les fesses endolories. La musique écrite par Poledouris est un personnage du film à part entière, elle se substitue aux dialogues, et apporte un souffle aux images...

    Voilà, on est d'accord là dessus. Les ergotages, ce sera dans les commentaires, si vous avez quelque chose à redire.

    La musique du film c'est un monument. La bande originale existe depuis la sortie du film, mais voilà, à l'époque, une BO, c'est le temps d'un vinyl 33 tours, soit 40 minutes à tout péter, 50 pour les plus aventureux et ceux qui ont une bonne platine et une pièce de 2F pour alourdir le bras et que le diamant reste dans les sillons bien serrés. Notre BO de Conan avait le triste inconvénient de ne pas contenir toutes les pistes musicales du film. Plus tard, une version CD, éditée par Varèse Sarabande comblait le manque avec plusieurs bonus, dont la scène de la cuisine précédant l'orgie, le thème principal, version ultra grave, immense !!!!!
    Mais voilà, il en manquait encore. Quid de cette scène dans la taverne, la musique médiévale où l'on pouvait voir une jolie rousse se trémousser ? Et celle des gladiateurs ?
    Un rêve de pouvoir compiler tout ça, rêve qui promettait de rester dans les sphères éthérées, puisque les bandes originales étaient introuvables.

    Et puis... quelqu'un les a retrouvées. Et un autre quelqu'un a fait ce qui était devenu impossible. FAIRE L'EDITION ULTIME DE LA MUSIQUE DE CONAN LE BARBARE !!!!!!!

    Je n'aurais pas beaucoup de mots pour décrire cette édition. J'aurais pu dire "génial, magnifique, inouï, excellent", je me contenterai de : "argh". Rajoutez autant de h à la fin, à votre gré, en tout cas pour moi, y a pas d'autres mots.

    Une édition en 3 CDs qui devrait être obligatoire, tout simplement, pour tous les fans du film, de Conan, bref, si vous commencez à vous sentir visés, grouillez-vous, les gars.

    Vous allez me dire maintenant : 3 CDs pour un film d'1h50, ça fait pas un peu beaucoup ? y a quoi, concrètement ?

    Détaillons : premier CD, le score complet. Dans l'ordre du film. Avec les fameuses pièces manquantes. CD 2 : la suite du score, plus vraiment dans l'ordre (oui c'est un peu zarb, et pas forcément bien explicité...), et des bonus, versions alternatives ou premières versions... et le CD 3, la version MCA sortie en 82, avec en bonus le prologue avec le monologue de Mako. C'est on ne peut plus complet.

    Hormis les morceaux qu'on attendait désespérément, le grand intérêt est ici de découvrir les versions alternatives. Comme la première version d'Anvil of Crom, qui manque de basses et de graves, et qui n'a pas la puissance de la version finale !

    Je note tout de même une certaine différence de volume entre certaines pièces du CD1 et du CD3. Volume et puissance, on dirait que les bandes retrouvées n'ont pas subi le même traitement ou mix. C'est assez mineur, mais j'ai remarqué cela.
    Je possède la version K7 de chez Milan, son chaud et rond, la version vinyl de RCA, et la version CD Varèse Sarabande. Cette dernière version était pour moi le mètre étalon niveau son, et on retrouve la même puissance sur cette nouvelle version Intrada/Universal Music. Ne me demandez pas de détails techniques niveau son, je ne me fie qu'à mon oreille, il est hautement possible que je raconte des bêtises ! Je ne parle que de mon ressenti.
    (Je ne me fie pas à mon oreille, comme je ne me fie ni aux hommes, ni aux femmes, ni aux bêtes. Mais en ceci je peux me fier, hin hin)

    Quant au livret, il est assez épais. Les photos sont tirées du film, ou ont été prises en coulisses, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, mais ce n'est pas là le principal. Une introduction par John Milius, et un texte parlant de la genèse du film, et des bandes (j'ai pas encore tout lu...), et un point morceau par morceau, sur le travail de Poledouris et ce qui apparait dans le film. 

    Vous l'attendiez tous (oui là vous au fond de la salle qui profitez d'une pièce chauffée, je parle de vous), voici ma collection musicale de Conan (ouch, en écrivant ça, je viens de penser à Conan the musical, j'espère que ce genre de chose n'existera jamais !), mes disques Conan. Il manque Kalidor à l'appel, mais Kalidor n'est pas Conan. Et ce n'est pas Basil Poledouris, mais Enio Morricone, en plus, qui est responsable de la musique. Ceci dit, il faudra bien que je le possède un jour, ce vinyl ! En attendant...

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  • Quel exemple pour la jeunesse ?

    On peut clairement s'interroger sur l'impact des littératures orientées vers la jeunesse, spécialement les illustrés démocratisés sous le terme de "bandes dessinées".

    A mon avis, un format curieux qui rompt toute narration par des ellipses incompréhensibles, et une caricature grotesque des traits humains, le plus souvent.

    Mais passons, ici je prendrai le cas d'une bande dessinée, ou "bédé" comme disent les jeunes, figurant un duo de détectives, nommés Tif et Tondu. Premier piège, première inversion, Tif est le personnage chauve, alors que Tondu est le personnage barbu et chevelu. Allez expliquer ça à un enfant ! Tif est sans poil, Tondu est hirsute ! Autant dire que Rintintin est un chat, et le chat botté un chien ! Ou soyons encore plus pervers, le chat botté... un cheval !

    Ce n'est malheureusement pas le seul élément traître et déconstructeur pour nos jeunes enfants.

    Je reproduis plus bas quelques cases, annotées pour, s'il en est besoin, commenter les aberrations :

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    "Tif" démarre son enquête par l'achat d'une pipe, que l'on imagine pour fumer du tabac (ou autre, on ne sait pas)

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    Un comportement routier intolérable, où "Tondu" roule au mépris de toutes les règles à une vitesse élevée en ville, manquant de créer des accidents, et de renverser d'honnêtes quidams

    Les images suivantes ne sont qu'un infime exemple de l'alcoolisme dont sont épris les personnages, dits "héros" de l'histoire :

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    Si "Tif" démarre son enquête en achetant de quoi consommer du tabac, "Tondu" la commence en buvant une boisson anisée alcoolisée !

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    "Ca va mieux" après trois bouteilles de champagne et des cigares ? Non, ça ne va pas du tout !

     

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    "Tondu" invite son voisin, "à l'aube" (information rapportée d'une case précédente) à boire de l'alcool, de la fine, qui tape à au moins 45° ! Cette invitation à l'alcoolisme sous des abords inoffensifs est stupéfiante !

     

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    Et ça continue ! Dire à des enfants que le cognac vaut le lait ? Mais qu'est-ce qu'ils imaginent ?  Que les enfants vont tremper leur pain dans du chocolat au cognac, le matin ?

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    Moquerie, irrespect complet d'ivrognes qui se réclament d'une œuvre sociale !

     

    Alcoolisme, tabagisme, conduite dangereuse, voici ce qu'on peut trouver dans un ouvrage destiné à la jeunesse. Il n'y manque que la débauche ! Heureusement, pas de femmes dans cette "aventure", on peut espérer que les héros forment un couple homosexuel, bien qu'aucune revendication à l'enfant ne soit indiquée. Mais tout de même, ce genre de valeurs propagées dans cette bande dessinée ! On nous épargne les détails, mais il faut bien imaginer qu'après avoir bu comme des outres, ces personnages-là pissent debout, et non assis, de manière non égalitaire avec les femmes ! On ne les voit à aucun moment manger des fruits et légumes, et pire encore, on ne voit aucun représentant de notre belle diversité ! Un racisme exacerbé par la présence d'une frontière entre la France et la Belgique, une promotion arriérée des valeurs qui nous rappellent les heures sombres de notre histoire avec son ventre fécond et ses bruits de bottes.

    Une chose qui peut nous rassurer, cet épisode appelé "la villa sans-souci" date de 1951, et hormis une réédition récente chez ce qu'on peut supposer être une maison d'édition d'extrême-droaate, on ne trouve plus ce genre de revue dans le commerce, ou alors faut bien chercher, dans les puces, et autres vide-greniers aux relents pétainistes. Mais voyez à quoi nos générations antérieures ont été confrontées, quelles idées ont pu leur être inculquées ! Des hordes fascisantes, qui s'opposent au Progrès, à l'évolution de la société, éduquées dans un monde fait de dégustation d'alcools et de tabacs, dans une France rance, paysanno-arriérée. Gageons que nos enfants n'apprendront pas la même chose, et l'Ecole s'en chargera. Peut-on se risquer à l'opprobre en évoquant une euthanasie des anciennes générations quand on voit quelles ont été leurs lectures de jeunesse ?

     

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    Exemple d'alcool fort dit "Fine", issue d'une région arriérée et où que la 4G elle passe pas.

  • De Goupil à Margot - Louis Pergaud

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    Plusieurs nouvelles rassemblées dans un même livre, récits ayant comme point commun d'avoir des animaux comme personnages principaux. Un renard, une belette, un écureuil, un lièvre...
    Tout ceci fleure bon le sous-bois, le chaume, la rosée printanière, l'humus regorgeant de vers juteux, les rayons du soleil qui réchauffent la terre, et la vie animale, simple et faite de plaisirs, à aller croquer un oisillon, une noisette, ou toute autre proie qui se présente...

    Mais en vérité, c'est un peu déprimant, car la vie est cruelle envers ces animaux dont on prend le parti. Cruauté des autres animaux, et pire, cruauté de l'homme, celle qui provoque la fin de ces animaux qui ne comprennent pas ce funeste destin.

    Goupil, capturé par un paysan qui lui pose un collier avec un grelot, le pauvre renard essaiera d'échapper à ce bruit synonyme de danger, de chien à ses trousses pour le fouailler de ses crocs, de la présence de l'homme qu'il préfère éviter. Et quand Goupil aura compris le stratagème, dur handicap pour la chasse, quand ses proies réagissent à ce même grelot, sa courte vie se résumera à de modestes proies, et à des charognes.
    Fuseline, la petite fouine dont la patte sera prise au piège dans la grange, créature trop insouciante après s'être gavée de poules... Obligée de se défaire de sa patte pour se sauver, en la désarticulant, puis la déchirant.

    C'est beau, mais putain, que c'est triste !

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  • Dans les forêts de Sibérie - Sylvain Tesson

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    Attention, voici un bouquin indispensable !!! A lire absolument !!

    Sylvain Tesson est un aventurier moderne, qui part aux quatre coins du globe, souvent assez vite, en vélo, en courant, à fond les ballons, de peur de ne pas avoir traversé une route quelque part au Pérou, avant de mourir. A la suite d'une aventure précédente, où il avait partagé le gîte de Sibériens sur le lac Baïkal, l'auteur a décidé de venir se poser quelques temps, de vivre l'aventure d'un ermite, le temps d'une saison. Défi à mettre à côté de celui d'escalader l'Himalaya, a priori. Survivre au froid, aux ours, et aux glaces.

    Et pourtant, c'est un autre défi que vient de se lancer l'écrivain aventurier. Ce n'est pas la performance, mais c'est le défi de se poser, de réfléchir, et de se retrouver. Se rencontrer même, avant de se retrouver. C'est pas en cavalant dans le Gobi qu'on sait qui on est. On sait qu'on a couru et perdu 14,5 litres de sueur dans la journée. La cabane au bord du lac Baïkal, c'est pas pareil.

    Rester six mois au même endroit. Voir la saison passer, la nature changer, et occuper son temps. Un défi qui semble impensable pour beaucoup, notamment les bourgeois poudrés parisiens, qui ont eu l'air de voir dans cette aventure un défi contre l'ennui, contre l'absence matérielle et matérialiste, et l'inconfort. Ces journalistes voient certainement la Sibérie comme très lointaine, loin de leur confort, mais avouons-le, l'auteur n'aurait presque pas eu à quitter le territoire français pour vivre aventure similaire. J'exagère à peine. Mais l'éloignement est un moteur permettant cet exil, cet ermitage pour l'auteur, qui avoue aussi apprécier son confort parisien.

    Mais cet ermitage a permis de faire cogiter l'aventurier. C'est le plus intéressant du bouquin. La solitude qui fait gamberger, la nature rude mais généreuse qui fait relativiser l'existence matérialiste de l'Occidental du XXIème siècle.
    En vivant au contact de la nature, et de ses habitants, du règne animal ou humains, Sylvain Tesson redevient un homme, et plus un athlète à la recherche de la performance. Quand il va croiser des semblables, avec plus ou moins de classe, riches Russes en 4x4 qui traversent le lac gelé dans un safari ponctué de vodka et de techno music, ou world travellers écolos, il n'est déjà plus comme eux. Ils passent, lui vit ici. Il puise de la terre sa substance pour s'en nourrir, pour se chauffer.

    Et il pense. Il pense à ce qu'il est à Paris, et ce qu'il est ici. Et où l'Homme se situe.

    Extraits :
    "Le bonheur d’avoir dans son assiette le poisson qu’on a pêché, dans sa tasse l’eau qu’on a tirée et dans son poêle le bois qu’on a fendu : l’ermite puise à la source. La chair, l’eau et le bois sont encore frémissants. Je me souviens de mes journées dans la ville. Le soir, je descendais faire les courses. Je déambulais entre les étals du supermarché. D’un geste morne, je saisissais le produit et le jetais dans le caddie : nous sommes devenus les chasseurs-cueilleurs d’un monde dénaturé.
    En ville, le libéral, le gauchiste, le révolutionnaire et le grand bourgeois paient leur pain, leur essence et leurs taxes. L’ermite, lui, ne demande ni ne donne rien à l’État. Il s’enfouit dans les bois, en tire subsistance. Son retrait constitue un manque à gagner pour le gouvernement.
    Devenir un manque à gagner devrait constituer l’objectif des révolutionnaires. Un repas de poisson grillé et de myrtilles cueillies dans la forêt est plus anti-étatique qu’une manifestation hérissée de drapeaux noirs. Les dynamiteurs de la citadelle ont besoin de la citadelle.
    Ils sont contre l’État au sens où ils s’y appuient.
    Walt Whitman : « je n’ai rien à voir avec ce système, pas même assez pour m’y opposer. » En ce jour d’octobre où je découvris les Feuilles d’herbe du vieux Walt, il y a cinq ans, je ne savais pas que cette lecture me mènerait en cabane. Il est dangereux d’ouvrir un livre."

    "Il faudrait lui expliquer que ces mouvements sont des manifestations de colère sociale et que l'origine ethnique de leurs acteurs, si elle impressionne les Russes, n'est pas évoquée par les commentateurs français. Il faudrait lui dire qu'il ne s'agit pas de révolution. Ces troubles à l'ordre public ne visent pas à renverser le monde bourgeois mais à y accéder. Entend-on les jeunes réclamer liberté, puissance et gloire ? Pourquoi brûle-t-on les voitures dans ces couronnes de misère ? Pour critiquer les ravages de la technique et du marché sur les sociétés ou par dépit de ne pas posséder les plus belles et les plus grosses d'entre elles ?"

    "Je pousse la porte de la cabane. En Russie, le formica triomphe. Soixante-dix ans de matérialisme historique ont anéanti tout sens esthétique chez le Russe. D'où vient le mauvais goût ? Pourquoi y a-t-il du lino plutôt que rien ? Comment le kitch s'est-il emparé du monde ? La ruée des peuples vers le laid fut le principal phénomène de la mondialisation. Pour s'en convaincre, il suffit de circuler dans une ville chinoise, d'observer les nouveaux codes de décoration de La Poste française ou la tenue des touristes. Le mauvais goût est le dénominateur commun de l'humanité."

    "En Russie, pour signifier qu'on s'en fout, on dit "mnie po figou". Et on appelle "pofigisme" l'accueil résigné de toute chose. Les Russes se vantent d'opposer leur pofigisme intérieur aux convulsions de l'Histoire, aux soubresauts du climat, à la vilenie de leurs chefs. Le pofigisme n'emprunte ni à la résignation des stoïciens ni au détachement des bouddhistes. Il n'ambitionne pas de mener l'homme à la vertu sénéquienne ni de dispenser des mérites karmiques. Les Russes demandent simplement qu'on les laisse vider une bouteille aujourd'hui parce que demain sera pire qu'hier. Le pofigisme est un état de passivité intérieure corrigée par une force vitale. Le profond mépris envers toute espérance n'empêche pas le pofigiste de rafler le plus de saveurs possible à la journée qui passe. Le soir constitue son horizon limite."

    La plongée dans l'univers russe est une part importante de l'ermitage, une autre manière de penser, que l'auteur résume bien avec le "pofigisme". Une révélation identitaire, en quelque sorte.

    Parlons d'identité. L'identité européenne, étendue jusqu'à la Russie sibérienne, que Tesson retrouve, mais n'exprime pas toujours clairement. Quand un de ses interlocuteurs russes s'étonne de voir qu'en France, des émeutiers arabes mettent à feu les villes, il émet une critique intelligente, sociale (voir plus haut) de la situation et de ses tenants, mais il réfute la question ethnique, pourtant évidente pour un Russe. Okay, le Russe pense peut-être que toute la France était concernée par ces émeutes, jusqu'au moindre village, ce qui est bien évidemment faux, savamment manipulé par les médias. Mais l'évidence reste l'évidence. Aussi, soit Tesson, pétri des bons sentiments institutionnalisés, rate un épisode, une des clés de son aventure, soit il préfère éluder la question et protéger son statut (on sait ce qu'il en coûte à ceux qui s'écartent du chemin !).

    Il ne fait pas le lien entre la laideur imposée par la mondialisation, et les émeutes, le désir d'accéder à la bourgeoisie. Enfin... il ne le fait pas directement. Mais tout le livre est un appel à la beauté de la nature, et de la simplicité de l'être vivant au cœur de cette nature, en même temps que l'élévation, la transcendance de l'homme, qui trouve sa place, et son rôle. L'inverse de la vie hyper urbaine, déculturée, aculturée, ultra matérialiste, assistée, malsaine, qui régit l'Occident décadent.
    Impossible pour l'auteur d'employer le terme de décadence, mais pourtant elle est évidente quand on le lit.

    J'ai pensé à Henri Vincenot en lisant dans les forêts de Sibérie. Quand l'auteur bourguignon quittait sa campagne pour affronter l'horreur de la capitale, lui qui venait d'un environnement sain, il était confronté au dérèglement, à la dépression (lire A Rebrousse-poil et les Yeux en face des trous pour s'en convaincre !). Tesson fait l'inverse. Il vient du pandemonium pour retrouver l'ordre naturel. Et tous deux ont la même conclusion.

    Pour qui ne voudrait pas se poser cette question, le livre reste intéressant, et très bien écrit. Un journal, jour après jour, de la vie d'ermite, qui apprend à rythmer ses journées, à profiter de tout, accepter tout, et vivre. Vivre, même quand ce n'est pas dévaler des déserts à vélo, mais simplement regarder des mésanges manger des miettes de main sur un rebord de fenêtre. Chaque page du livre est un régal, entre poésie, aphorismes et philosophie, on réfléchit beaucoup en lisant ce journal. Et on réfléchit à soi.

    J'ai regardé sur internet quelques interviews de l'auteur à la sortie du livre en 2011, résumant son aventure. Il est amusant de sentir le décalage entre l'auteur qui prend son temps pour raconter son périple, en paix avec lui-même, et une sorte d'incompréhension de ses interlocuteurs, pas dans le même rythme. La palme va à l'émission de Ruquier où une grue, ancienne favorite d'un futur ex-ministre, maintenant disparue des radars, semblait horrifiée par ce que l'auteur avait vécu, en gros, la peur de tomber nez à nez avec une grosse bête à chaque fois que le mec sortait de la cabane, entre deux coups de pelle pour chasser les mètres de neige tombés dans la nuit. Une lecture assez cocasse, car moi je n'ai absolument jamais ressenti de danger dans ce que Sylvain Tesson a vécu. La prudence face aux ours a toujours suffi à préserver sa vie. Le danger serait plus venu des hommes, à mon avis, que des bêtes. Enfin, drôle d'interprétation de la part d'une féministe acharnée qui finalement, ne fait qu'exprimer un stéréotype génétique féminin, une féministe de salon ayant peur de salir ses chaussures. On pensera plutôt à Lena qui éloigne les loups en leur jetant des cailloux, soutenue par ses vaches et son bœuf, venus à son secours. La chroniqueuse mondaine, les loups l'auraient recrachée après avoir eu une indigestion.

    Malgré les conditions un tantinet spartiates du séjour, reconnaissons-le, l'auteur n'est pas arrivé sans technologie. Ordi portable, téléphone satellite, la moitié du matos n'a pas tenu le choc, mais il a filmé cette aventure. Et un film en est né, un très bon complément au livre. A voir absolument, mais surtout... à lire absolument !!!